mercredi 29 décembre 2010

En 2011, un nouveau président en Egypte ?


En 2011, nous allons beaucoup parler de l'Egypte. En effet, en septembre prochain se tiendront les très attendues élections présidentielles. Le sujet est évoqué depuis tellement longtemps qu'on a l'impression de tout connaître sur le sujet. Depuis au moins 2007 et la réforme constitutionnelle, la succession à la tête du pays a animé de nombreux débats. Rien que sur ce blog, j'ai déjà écrit à plusieurs reprises sur le sujet ces dernières années. Et vous pouvez être certains que le sujet est loin d'être clos. Plusieurs raisons justifient que l'on commente autant sur l'Egypte. Tout d'abord, c'est un pays stratégique au Moyen Orient (et quand cela les arrange de l'Afrique). Ensuite, politiquement, culturellement et économiquement, son destin peut avoir des conséquences sur l'équilibre régional. En outre, il est un allié important de l'UE et des Etats-Unis dans la région. Il est également l'hôte de la Ligue arabe et d'al-Azhar, lieu d'enseignement prépondérant pour les musulmans. Enfin, cette succession est fascinante, il faut bien le dire. Toutefois, je vais essayer ici de ne pas répéter trop de choses déjà connues.

Pour le plaisir de bien expliquer, je vais être relativement détaillé. Pour autant, je peux aussi faire bref et dire que les gesticulations intellectuelles sur le sujet dépendent de plusieurs facteurs, mais que les jeux sont en grande partie déjà faits. En effet, en admettant qu'Hosni Moubarak ne se représente pas - ce qui n'est pas certain - et qu'il ne décède pas d'ici à septembre - à 82 ans, sa santé est fragile, sa succession aura de toute manière lieu au sein du Parti national démocrate (NDP), car il est constitutionnellement quasi impossible pour les autres partis de présenter un candidat et un changement est peu envisageable malgré les nombreux appels du pied de Mohamed elBaradei. Un coup d'Etat est une hypothèse peu au goût du jour. Reste à savoir le dirigeant qui remplacera Moubarak. C'est en fait plus à ce niveau que le débat est ouvert, car si Gamal Moubarak, le fils du président, semble déjà nommé, il ne fait pas non plus l'unanimité.

Contrairement à ses deux prédécesseurs, Hosni Moubarak n'a jamais désigné de successeur laissant la porte ouverte à toute spéculation. Comme le fait remarquer Nathan Brown de la Carnegie, les régimes très centralisés ont horreur du vide et de l'incertitude. La succession ouvre donc une fenêtre d'instabilité éventuelle. Celle-ci n'en demeure pas moins extrêmement restreinte, car une fois qu'un successeur est trouvé s'établit rapidement un système de loyauté à son égard pour rétablir la stabilité du pays. Toutefois, il ne faut pas penser que la stabilité du régime égyptien ne repose que sur la seule personnalité du président. Henry Hale décrivait il y a quelques années ce qu'il appelle "le présidentialisme patronal". Outre le pouvoir qui lui est investi, le président entretient un ensemble de réseaux informels qui lui permettent de maintenir son pouvoir bien en place. Mona El-Ghobashy explique dans The Middle East Report comment ce processus se déroule pendant les élections. En effet, en Egypte, la période électorale ne donne pas lieu à un réel débat sur le fond de la politique. C'est l'occasion pour le régime en place de récompenser ses nombreux partenaires dans le pays et de les gratifier d'un poste et de l'influence locale qui est adjointe.

Les récentes élections parlementaires en Egypte ont montré à quel point assurer la stabilité du régime en place en vue de la succession de Moubarak est essentiel. Tout d'abord, il y a eu un regain d'effort pour évacuer toute réelle opposition et notamment émanant des Frères musulmans, qui ont même boycotté le deuxième tour du scrutin. Par conséquent, il n'y a pratiquement aucune opposition au Parlement et elle n'a jusqu'à présent pas été capable de s'organiser de toute manière. C'est la continuité des municipales de 2008, où le NDP avait déjà remporté une écrasante majorité des voix. Ces résultats ont une importance toute particulière, car les élus sont les seuls à pouvoir offrir leur signature à un éventuel candidat à la présidentielle, comme l'indique l'article 76 si controversé de la réforme constitutionnelle de 2007.

En plus, il semble que plusieurs démarches vont dans le sens de faciliter l'accès au pouvoir de Gamal Moubarak. Le fils du président n'est pas officiellement candidat, mais il le sera si son père ne l'est pas. Toutefois, il faut qu'il puisse compter sur le soutien de plusieurs groupes influents. Il serait le premier président depuis la révolution des officiers libres à ne pas être lui-même officier, donc il devrait remporter les faveurs des militaires. Une manœuvre mise en place serait de les lier autant que faire ce peut à l'économie, le domaine de prédilection du fils Moubarak. Les services de sécurité doivent également faire partie de l'équation. Le fait qu'une quarantaine d'anciens hauts fonctionnaires de police a été élue aux élections parlementaires peut être perçu dans cette logique. Si Gamal Moubarak arrive à s'affilier avec la jeune élite, les milieux économiques, les militaires et les services de sécurité, il cadenasserait alors le pouvoir. Néanmoins, cela n'est pas acquis, car Nathan Brown l'a remarqué, son nom flotte dans les discussions depuis longtemps et pour autant, il ne fait toujours pas l'unanimité.

Kristina Kausch du think tank espagnol FRIDE écrivait dans un rapport publié en novembre qu'un successeur doit bénéficier d'une légitimité avant d'être élu ou nommé : au niveau international et national. Au niveau international, Moubarak fils est souvent présent lors des déplacements internationaux importants sans avoir de rôle officiel. Bien qu'il ne fasse guère l'unanimité, il ne soulève aucune réelle opposition non plus. Au niveau national, son rôle est marginal. Il a été propulsé à un haut poste au sein du NDP, dont il est notamment le vice Secrétaire général - ce qui lui permet de remplir une condition importante pour se présenter aux élections présidentielles. Néanmoins, il n'a jamais tenu de ministère et n'a jamais été élu. Au sein de la population égyptienne, il n'a donc aucune crédibilité et les Egyptiens, sans pouvoir y faire grand chose, sont peu friands du népotisme.

Gamal Moubarak est dans une position délicate, car sa prise de fonction n'est pas perçue comme évidente. Tant que son père est en vie et en poste, le fait d'être le fils du président est un argument de poids. Argument qui s'effriterait rapidement si le président venait à décéder ou à quitter ses fonctions sans avoir désigné de successeur.

L'avantage de Gamal demeure qu'aucun réel rival n'a émergé. On évoquait un temps d'Omar Suleiman, chef des renseignements, mais son nom a un peu disparu de la scène. Aucun opposant de premier plan, et surtout pas elBaradei, ne peut se présenter ou rivaliser. Certes, on parle également de divisions au sein du NDP liées justement à des désaccords sur le successeur d'Hosni Moubarak. C'est ce que Henry Hale appelle le "lame duck syndrome". Ce processus est fréquent à l'aube d'une succession. L'élite s'éparpille et si un successeur n'a pas été clairement nommé, elle cherche à se rapprocher de celui qui semble le plus enclin à prendre le pouvoir. En outre, même s'il y a un candidat choisi, l'élite n'est pas certaine que ce dernier honorera les mêmes engagements que le président en place. Cela étant, encore une fois, aucun rival à Gamal Moubarak ne s'est présenté... pour le moment. La convention du NDP de juillet décidera du candidat du parti. Il faudra donc suivre dans les prochains mois la politique intérieure égyptienne de près pour voir si Suleiman, un candidat qui pourrait représenter un réel challenge, ou d'autres vont se présenter comme une alternative viable au fils de Moubarak. 

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