samedi 30 août 2008

D'ici trois ans : plus d'Hosni Moubarak en Egypte ?

Crédit : The American Interest


Michelle Dunnes, chercheur au think tank Carnegie Endowment for International Peace, analyse pour The American Interest la situation en Egypte et la succession à l'actuel président Hosni Moubarak.

Selon Dunnes, Moubarak "quittera le pouvoir soit de son propre chef soit par la Providence, probablement dans les trois prochaines années" - date de la prochaine élection présidentielle. Ce n'est pas une question de stabilité, car l'Egypte n'est pas au bord de l'insurrection et elle ne s'attend pas à une succession mouvementée. Pour elle, le coeur du sujet est de savoir "à quel point un nouveau président poursuivra des réformes politiques et économiques au niveau national, indispensables à la revitalisation d'une nation de 80 millions d'habitant qui perd de plus en plus de vitesse à l'échelle internationale".

Elle rappelle la différence avec les précédentes occurrences post-monarchiques, où un vice-président était nommé pour prendre la suite. Jusqu'à présent, Hosni Moubarak s'est toujours refusé à un tel exercice. De plus, il a grandement diminué l'influence de l'armée dans la sphère politique.

Deux personnalités se distinguent pour prendre la succession de l'actuel président : Gamal Moubarak, le fils du dirigeant, et le général Omar Suleiman, chef des services de renseignements. Tous deux ont émergé à la même période : 2000.

Pendant ce temps, en Egypte, les Etats-Unis étaient de plus en plus insistants sur des réformes démocratiques, pressions auxquelles le leadership égyptien s'est légèrement plié dans la période optimiste de 2004-2005. Notamment, le président allait être élu au suffrage universel direct. Le gouvernement a radicalement inversé la tendance après le succès électoral des Frères Musulmans aux élections parlementaires d'octobre 2005. Même s'ils sont interdits de se présenter comme parti, les candidats "indépendants" ont remporté 20% des sièges.

La conjugaison de ses événements et de l'absence de successeur rend le régime fragile : "incapable de faire des compromis avec des opposants politiques, dans l'ensemble inefficace sur la scène diplomatique régionale et hypersensible aux petits incidents", comme l'ont montré les rumeurs de maladie de Moubarak à l'été 2007. Cette longue période de transition dessert Gamal Moubarak, car de néophyte potentiellement prometteur, il est devenu un des architectes du régime, à un moment où les Egyptiens souhaitent le changement.

Gamal Moubarak est revenu au pays après une éducation occidentale et des années dans la banque à Londres. Il a progressivement fait sa place au sein du Parti National Démocratique (PND) en s'entourant d'une clique d'alliés, profitant des périodes creuses. Il est aujourd'hui numéro 3 du parti.

L'auteur énonce trois raisons qui viennent s'ajouter à l'idée que les Égyptiens pourraient être réticents au fils de Hosni Moubarak : "une succession familiale est simplement impensable pour les Égyptiens (Dunnes ne perçoit pas cela comme un trait de caractère des Égyptiens, mais comme un ressentiment actuel au sein de la population), il manque d'un soutien fort au sein de l'armée et il est simplement trop faible en tant qu'individu pour être pris au sérieux".

Le sujet de l'appui militaire est intéressant. Michelle Dunes estime que la dépoliticisation de l'armée peut aider Gamal Moubarak. Également, ce dernier aurait rencontré de nombreux militaires pour discuter de possibles partenariats politiques. Néanmoins, il est perçu comme un réformateur économique et en tant que non-militaire, il lui reste à prouver qu'il peut assurer les intérêts militaires.

Omar Suleiman, lui, est un pur militaire. Les premiers pas de son ascension remonte à 1995, lorsqu'il a conseillé à Moubarak de prendre une voiture blindée pour son séjour en Ethiopie, où le président a souffert une tentative d'assassinat. Inconnu jusqu'en 2000, il est désormais incontournable. Il possède des soutiens au sein du gouvernement.

Le problème est que la constitution est assez stricte sur une candidature aux présidentielles. Des élections doivent se tenir dans les 60 jours après le départ du président. Parmi les partis autorisés à présenter un candidat - donc déjà pas les Frères Musulmans -, le candidat doit avoir passé au moins un an au sein des plus hautes sphères de sa formation politique, ce qui exclue Suleiman de la liste. "Ce n'est pas un accident", estime Michelle Dunnes. Au PND, tout est pensé. Par exemple, si Moubarak est incapable de diriger, son remplaçant temporaire ne peut pas prononcer d'amendement à la constitution. Tout semble prêt pour Gamal Moubarak.

L'auteur explore néanmoins deux autres pistes qu'elle estime hautement improbables :
* une prise de pouvoir par l'armée et les services de renseignements en contournant la constitution. Dunnes explique que les Egyptiens favorisent plutôt "un Etat régi par la loi" et s'opposeraient à cette option qui mettrait en péril l'ordre public.
* une prise de pouvoir par les Frères Musulmans sous la forme "d'une révolution ou d'un coup d'Etat" ; avec les règles politiques actuelles, c'est absolument impossible. Dunnes ne pense pas que les Frères Musulmans ou un autre groupe islamiste ne soit capable d'une telle entreprise.

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