vendredi 26 février 2010

ElBaradei ne va pas remplacer Moubarak en 2011

J'ai déjà évoqué la possible candidature de Mohamed ElBaradei, l'ancien chef de l'AIEA, à la présidentielle égyptienne de 2011. Avec son retour au pays il y a quelques jours, la frénésie ElBaradei est reparti de plus belle. Les articles sur sa potentielle candidature pleuvent. Le fait qu'ElBaradei dise à la presse qu'il était "prêt à être candidat pour la présidence, si le peuple me le demande, peu importe qui est en face de moi" n'aide pas à calmer les ardeurs, bien que ce type de déclaration soit purement symbolique. Pourtant, il faut garder la tête sur les épaules et prendre un peu de recul.

Le monde entier serait derrière ElBaradei s'il pouvait se présenter. Il représente tout ce qu'Hosni Moubarak n'est pas et est une voie alternative beaucoup plus appréciée que les Frères musulmans. Toutefois, il faut bien comprendre que certains paramètres sont inébranlables quant aux données du problème.


Tout d'abord, ElBaradei est probablement plus connu des Occidentaux que des Egyptiens. Il n'a pas travaillé en Egypte depuis les années 1980. C'est un peu comme si Claude-France Arnoult, une Eurocrate très respectée, débarquait en France pour la présidentielle comme le messie capable de sortir le pays d'une tourmente dans laquelle il serait plongé. Tout le monde se demanderait qui elle est. Avec ElBaradei, c'est exactement le cas. 

Ensuite, l'ancien chef de l'AIEA ne s'est toujours pas présenté. Il y a certes un site pour sa candidature, mais qui n'est pas de lui. Tout le buzz autour de son retour en politique est alimenté par une équipe locale et probablement un effort indépendant. ElBaradei n'a pas exclu cette possibilité, mais pour le moment, il semblerait qu'il se limite à un engagement à un niveau moins élevé. Avant-hier, il a rencontré une trentaine d'hommes politiques de l'opposition pour lancer le Front National pour le Changement (FNC). Ce n'est pas un parti - le processus d'officialisation est un casse-tête chinois en Egypte -, cela ressemble plus à un mouvement pour faire pression sur le gouvernement et apporter des changements dans la Constitution en vue de la rendre plus transparente. A en croire George Ishaq du mouvement Kefaya, il n'a pas été question à un seul moment de la candidature d'ElBaradei en 2011.

Mais, pourquoi donc ? Peut-être, parce qu'ils savent que ce n'est constitutionnellement pas possible. A l'heure actuelle, tout est manigancé pour que seul Moubarak et à la rigueur un opposant de son choix puissent se présenter. Il faut en effet avoir siégé à la tête d'un parti représenté au parlement ou recueillir au moins 250 signatures d'élus parlementaires et/ou municipaux, ce que seul un candidat du parti majoritaire PND peut faire tant les élus municipaux sont à une écrasante majorité membres du parti au pouvoir. Ainsi est-il tout simplement impensable qu'ElBaradei puisse se présenter. Il le sait pertinemment et c'est probablement pour cette raison qu'il privilégie une approche bottom-up.

Je pense qu'il n'est pas impossible de voir ElBaradei émerger comme un candidat potentiel non pour 2011 mais pour 2017. Il aurait tout intérêt, car celui lui laisserait du temps pour s'installer dans le paysage égyptien. De plus, Hosni Moubarak risque de ne plus être sur la scène politique et son fils - s'il est élu, mais c'est une question rhétorique - pourrait ne pas réussir à contenir la vague de soutien et d'appuis qu'ElBaradei génèrerait avec sa candidature.

Jusqu'à présent, la politique du gouvernement à l'égard de l'opposition était d'autoriser qu'elle puisse exister dès lors qu'elle n'était pas bien organisée sous peine d'être sévèrement "réprimandée" par les services de sécurité. Cela a conduit à ce que Marina Ottaway du Carnegie appelle "la politique à une dimension". Pour elle, l'Egypte n'est plus un régime semi-autoritaire, mais plutôt un système avec un seul parti à défaut d'avoir une quelconque opposition digne de ce nom. Si l'opposition avait été mise au bagne par le régime jusqu'alors, cela est-il envisageable avec une personnalité aussi médiatique et symboliquement importante - Mohamed ElBaradei a partagé le Prix Nobel de la Paix avec l'AIEA en 2003 ? Le régime pourrait-il le castrer sans que la "communauté internationale" crie haro ? Pas si sûr. D'où une candidature beaucoup plus plausible pour 2016. Il aura tout de même 74 ans, mais il ne serait pas le premier à le faire.

Photo : The Majlis

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