vendredi 6 novembre 2009

Comment lire l'annonce d'Abbas?

Mahmoud Abbas a annoncé qu'il ne se représenterait pas pour les prochaines élections prévues le 24 janvier prochain. Le New York Times donne la parole à six experts sur comment interpréter ce geste politique. J'ai déjà traité de la question il y a quelques jours.

Le Times offre des perspectives intéressantes, dont celles de Ronen Bergman de Yedioth Ahronoth et de Daoud Kuttab, professeur à Princeton. Une des raisons invoqués par Abou Mazen est sa frustration vis-à-vis de l'administration de Barack Obama et l'incapacité américaine à faire pression sur Israël, voire même à baisser les bras devant l'Etat hébreu. Bergman utilise une expression yiddish pour expliquer le retour de bâton infligé à Obama: Rebbe gelt. Pour le journaliste israélien, ce camouflé au président américain est symptomatique de son manque d'expérience en politique étrangère. Il a voulu trop faire trop vite et s'est heurté à un mur.

Comme le précise Kuttab, il a été très mal perçu par le leadership palestinien, mais également par la population que les Américains exigent d'Abbas de se rétracter sur le rapport Goldstone, qu'Hillary Clinton fasse preuve d'une grande maladresse diplomatique sur les colonies et que l'administration Obama donne des signes de pudeur à l'égard d'Israël.

Pour Abou Mazen, le prix à payer est élevé. Comme l'explique Bergman, il pensait trouver un partenaire avec Obama et s'est donc positionné de manière sévère contre Benjamin Netanyahu. En vain et avec pertes et fracas pour lui.

Toutefois, le Président de l'Autorité palestinienne n'a pas démissionné et il est possible qu'il joue son va-tout pour essayer de s'instaurer comme l'homme providentiel, indispensable à toute réussite du processus. C'est loin d'être acquis. Comme l'explique Marc Lynch, un départ réel d'Abbas pourrait ne pas être une si mauvaise nouvelle pour le processus de paix. A tort ou à raison, cela pourrait bousculer le processus de manière positive. Les plus pessimistes diraient qu'il est tellement inexistant que toute solution est bonne à prendre.

Dans toute cette histoire, je suis quelque peu partagé. Je pense effectivement que les Etats-Unis ont voulu trop faire trop vite, mais je m'inscris en faux contre des personnes comme Stephen Walt qui considère que l'on court à la catastrophe. Il est certain qu'Obama a fait des erreurs et qu'il aurait pu mieux manoeuvrer certains épisodes des dix derniers mois. Pour autant, dans cette marée de critiques, on oublie que la position de Netanyahu s'est très légèrement assouplie à certains moments sous la pression américaine. Oui, cela n'est pas significatif ; oui, le discours actuel est moins virulent qu'au départ. Pour autant, il ne faut pas oublier que le soutien inconditionnel des Etats-Unis à Israël est une politique structurellement ancrée dans les deux pays et qu'inverser la tendance demande du temps, des efforts et un soutien! Les uns et les autres sont dans leur droit de le critiquer, mais pas sous des traits aussi caricaturaux et oublieux de la réalité des relations israélo-américaines.

Je suis pour ma part impressionné par le fait qu'Obama ait pris à bras le corps ce nid d'abeilles en début de premier mandat. Il est évident qu'il va se piquer - c'est déjà fait - et qu'il va commettre des erreurs, mais je crains que l'on tombe dans la prophétie auto-réalisatrice sur la mort annoncée du processus de paix. Si l'on ne donne aucun gage à l'administration américaine, elle n'a aucune chance d'y arriver.

Par ailleurs, blâmer les Etats-Unis est un raccourci. Ils peuvent accélérer et arbitrer, mais pas créer la dynamique. Les Israéliens aussi sont responsables de ce marécage et ils ne sont pas épargnés par les critiques. J'espère que la position du gouvernement Netanyahu s'infléchira petit à petit - cela ne peut se faire autrement, ce sera long et fastidieux - et que des décisions intelligentes seront prises, comme la levée du blocus, pour marquer un signe.

Les Palestiniens ne sont pas en reste. Si les Occidentaux ont probablement trop soutenu Abbas, ce dernier a trop compté sur le soutien occidental en oblitérant complètement qu'il était avant tout important qu'il se présente comme un leader auprès de son peuple plutôt que d'être bien vu à l'étranger. Le Hamas, lui, est complètement oublié dans cet épisode. Il refuse tout, d'autant plus qu'il sait que cela affaiblit mortellement la popularité et la crédibilité de Mahmoud Abbas. Pourquoi faire un pas dans la bonne direction quand on sert ses intérêts en ne rien faisant ? Les divisions intra-palestiniennes sont une tumeur qui empêche l'unité palestinienne et la possibilité de créer un front fort pour un Etat palestinien et contre l'intransigeance israélienne.

Finalement, dans la situation actuelle, on se retrouve avec un Président américain affaibli, un Président palestinien sans autorité et un Premier ministre israélien confortable. Le premier est critiqué de toutes parts pour sa trop grande timidité, alors qu'aucun de ses prédécesseurs n'était allé aussi loin aussi tôt ; le second n'a jamais été un dirigeant influent parmi les siens et cela n'est pas prêt de changer ; le dernier n'est politiquement pas menacé, mais si jamais il voulait vraiment faire quelque chose - ce qui n'est pas dit - la fragilité de sa coalition le rattraperait. Sans oublier, le Hamas, qui se renforce sans rien faire. Bref, encore une fois, il n'y a pas de dirigeant capable d'agir.

Aucun commentaire:

 

blogger templates | Make Money Online