samedi 20 février 2010

Un conflit israélo-hezbollo-libano-syrien en 2010 ?

Le Secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa a déclaré que "si une nouvelle attaque ou agression était en préparation, [les Israéliens] ne s'en sortiraient pas facilement". Et de continuer, "nous avons tiré les leçons de 2006 et la position arabe est d'être aux côtés du Liban". Quel est l'intérêt de cette intervention ?

Remettons tout d'abord la citation dans son contexte. Amr Moussa a tenu ses propos après sa rencontre avec Ali Shami, le ministre libanais des Affaires étrangères. Plusieurs commentateurs réfléchissent à l'éventualité d'un conflit entre Israël et le Liban en 2010. De plus, plusieurs hommes politiques israéliens ont laissé entendre qu'un conflit contre le Hezbollah aurait des répercussions sur le Liban et la Syrie. Cette dernière aurait en plus fourni au groupe libanais des missiles M-600 d'une portée de 250km, qui viennent se rajouter aux missiles anti-navires SS-N-26 et au système de défense aérienne SA-2 que Damas aurait déjà fourni. Et pour faciliter le tout, un "problème" de traduction a mené à des remarques particulièrement belliqueuses, notamment de la part d'Hassan Nasrallah.



La situation est donc tendue, mais pour autant, l'imminence d'un nouveau conflit est prématurée. Personne n'en veut. Même si des guerres peuvent émaner d'incompréhensions et de mauvaises perceptions, nous expliquait Robert Jervis, il faut néanmoins que les pays soient prêts à faire la guerre. Prenons les différents acteurs :

  • Israël : A part quelques faucons irraisonnés, personne, même pas Benyamin Netanyahu, n'envisage sérieusement une guerre. Tout d'abord, cela coûterait horriblement cher. Un conflit par an est totalement insoutenable pour l'économie israélienne. Ensuite, un conflit contre le Hezbollah signifie nécessairement une incursion terrestre, voire une occupation temporaire du sud-Liban, ce qui est une éventualité cauchemardesque pour l'Etat hébreu, qui n'est pas prêt à payer ce prix. La doctrine Dahiyah les pousserait à de tels excès. Enfin, il faudrait une provocation disproportionnée pour qu'Israël se lance dans un conflit qu'il sait dangereux. Le statu quo est un état de fait qui profite suffisamment à Tel Aviv pour ne pas vouloir changer la donne par la force.

  • le Liban : Saad Hariri dit craindre les vols de l'IDF au-dessus d'Israël et a récemment affirmé que son gouvernement soutiendrait le Hezbollah dans un éventuel conflit. Néanmoins, le Liban n'a aucun intérêt à faire la promotion de sa politique en cas de conflit et les propos d'Hariri tiennent davantage à de la politique intérieure. Une guerre serait catastrophique pour un pays qui n'arrive pas à aller de l'avant. Il aura encore fallu des mois avant de former un gouvernement qui ne tient qu'à un fil tant la coalition est fragile et tant le Hezbollah est presque sorti vainqueur de ce match diplomatique, alors qu'il est minoritaire. La guerre de 2006 a été dévastatrice pour le pays et un nouveau conflit le serait davantage.

  • le Hezbollah : Il est essentiel pour le groupe de maintenir une rhétorique belliqueuse contre Israël, autrement, il perd en popularité auprès du public arabe qu'il a conquis en 2006 et il perd de sa crédibilité en tant que mouvement de résistance. Certes, il se réarme, déploie des systèmes d'armement, mais il sait pertinemment qu'Israël ne commettra pas deux fois les mêmes erreurs si un conflit venait à éclater. Peut-être que le Hezbollah est plus fort qu'en 2006, mais surtout le Hezbollah est plus politisé qu'alors, car sa position au sein du gouvernement est tout aussi essentielle à la viabilité du mouvement et un affrontement avec Israël pourrait avoir des répercussions sans précédent sur la montée en puissance du Hezbollah au Liban. Ils ne sont pas prêts à prendre ce risque.

  • la Syrie : Si la Syrie avait vraiment voulu perdre une quatrième guerre contre Israël, elle l'aurait déjà fait. La Syrie est en plus en pleine phase de reconstruction d'image auprès de l'Occident et essaie tant bien que mal de faire bonne figure. Un conflit ne ferait que la replonger dans une hyper-dépendance à l'égard de l'Iran, ce que Damas aimerait éviter.


Bref, l'hypothèse d'un conflit n'est pas à écarter, mais le traiter comme imminent est dénué de sens. Il y a toujours eu une rhétorique véhémente entre ces différents acteurs et le contexte actuel n'invite pas à de telle de spéculations. Il est toutefois vrai que si les rumeurs sur le déploiement par le Hezbollah et avec l'aide de la Syrie de systèmes d'armement à moyenne portée se vérifiaient, cela détériorerait la situation de manière dramatique. Le vieil adage de Vegetius, "si tu veux la paix, prépare-toi à la guerre", n'a jamais été de bon conseil.

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