dimanche 21 février 2010

Etre prêt à utiliser la force contre l'Iran

Cette tribune me laisse perplexe tant elle montre que les réflexions sur l'Iran sont de plus en plus agressives. Après l'appel au changement de régime de Richard Haass du CFR, ce sont James Lindsay et Ray Takeyh, tous deux du CFR aussi, qui en appellent à une politique plus ferme à l'égard de Téhéran. Dans une tribune au Washington Post, ils estiment que les Etats-Unis ne peuvent pas attendre qu'une politique d'endiguement fonctionne si un recours à la force n'est pas envisagé dans le cas où le processus ne fonctionne pas ou est violé par l'Iran :

Washington devrait affirmer clairement les lignes rouges : aucune amorce de combat conventionnel contre d'autres pays ; aucune utilisation ou transfert d'armes, de matériels ou de technologies nucléaires ; pas de renforcement de soutien à des activités subversives ou terroristes. Washington devrait être tout aussi clair sur les conséquences si l'Iran franchissait ces lignes : des représailles militaires américaines par tous les moyens nécessaires.

Il est vrai que pour contenir un adversaire le pouvoir diplomatique ne peut fonctionner que par la dissuasion que s'il se désengage ou faillit à ses engagements, l'épée de Damoclès lui tombera dessus. Pour autant, les Etats-Unis peuvent-ils se permettre de promouvoir une telle politique, alors qu'ils sont engagés en Iraq et en Afghanistan ? Que dans le premier pays notamment, Téhéran joue un rôle crucial ; que l'Iran peut pousser ses groupes proxy du Hamas et du Hezbollah à frapper Israël et à déstabiliser le Liban - même si je pense que ces deux groupes ne sont pas autant que cela aux ordres de Téhéran.

En outre, les informations concernant les infrastructures iraniennes sont trop floues et le danger d'échec trop grand pour prendre le risque de frappes aériennes ciblées qui ne feront que renforcer la conviction iranienne à poursuivre son programme et annihilerait l'opinion publique arabe - mais pas les dirigeants - car même si les Iraniens ne sont pas des Arabes, la population arabe ne perçoit pas de menace iranienne. Washington ne peut pas se permettre de se mettre encore plus à dos l'opinion arabe. Bref, une telle politique est peu réaliste dans le contexte actuel et est potentiellement dangereuse.

Il semblerait en plus que l'enrichissement se fasse très lentement et que plus l'Iran sera financièrement isolé et dépourvu de ressources et plus le programme sera ralenti et Téhéran potentiellement prêt à accepter les offres occidentales jusqu'alors rejetées. Il faudra voir ce que donne les prochaines sanctions. Les négociations avancent, la Russie pourrait être de la partie cette fois-ci, la Chine demeure réticente (je vais lire le nouveau rapport du Crisis Group à ce sujet). Il y a même un débat au Liban sur son éventuel vote au Conseil de sécurité, car ce serait à Beyrouth de représenter la voix arabe pour ce vote ; même si elle est consultative, elle pourrait être symboliquement cruciale si tous les P5 s'accordaient pour des sanctions.

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