dimanche 28 février 2010

Pourquoi la libération de Gilad Shalit est-elle si importante pour Israël ?



Il y a un bon moment déjà que je me suis posé la question et un article m'avait bien éclairé pour répondre à cette question. Je ne l'ai pas retrouvé, mais j'en ai trouvé trois autres qui sont aussi clairs.

Cette question est en effet tout à fait compréhensible. Le caporal Gilad Shalit est retenu en otage depuis 2006 (que l'on voit dans la vidéo diffusée en octobre 2009). Sa libération est sujette à des débats très émotionnels en Israël, à d'improbables tractations politiques au point que les négociateurs israéliens et palestiniens étaient prêts à échanger 1000 prisonniers palestiniens contre 1 soldat. On se souvient également qu'en 2004, Israël avait échangé les corps de trois soldats israéliens morts contre la libération de 436 prisonniers palestiniens et libanais. Cela est totalement inconcevable pour une armée européenne. Cela va à l'encontre de l'intérêt national et risque d'avoir des répercussions considérables, car ces prisonniers ont tous été emprisonnés pour des activités menés contre un ennemi, qui pour nombre d'entre eux le demeurent, donc les possibilités de récidives sont bien réelles. De plus, c'est une question de perception, car un tel échange serait perçu comme une capitulation d'un camp et une victoire pour l'autre.
Les explications à une telle étude ont autant des racines juives qu'israéliennes. Un premier aspect est ce que les Juifs appellent la mitzvah de pidyon shevuyim, qui oblige un Juif à faire tout ce qui est possible pour récupérer les capturés. Si les sources religieuses sont religieuses, cela est aujourd'hui un principe qui dépasse ce cadre.

Cela s'étend bien entendu à l'armée israélienne. Un second aspect vient ici s'imbriquer. Au sein de Tsahal, c'est un devoir de soldat de récupérer les corps des soldats morts au combat. Au-delà de l'aspect expliqué, il y a également une dimension communautaire. Le service militaire est un lourd engagement de trois ans auxquels tous les Israéliens (hommes et femmes) doivent se soumettre. Cela inculque un sens de responsabilité et d'appartenance. Chaque Israélien se sent ainsi responsable de la survie de son pays. De plus, chaque soldat fait partie d'une grande famille et un soldat kidnappé est "plus qu'un soldat", c'est un frère ou un fils. Danny Kaplan, dans un article pour la revue American Ethnologist, analyse le sujet sous le prisme de la solidarité nationale, d'une forme de fraternité amicale dans son sens le plus englobant.

Il détaille quatre cercles de solidarité au sein de la société israélienne et l'étend à la communauté juive. Le premier cercle se compose bien évidemment des soldats, ceux qui connaissent le soldat capturé ou décédé, mais également ceux qui ne connaissent pas la victime, mais ont un sens de camaraderie. Le second cercle est composé de la communauté civique et notamment les enseignants. Kaplan explique ainsi que le ministère de l'Education prépare des plans détaillés pour les enseignants qui souhaitent traiter de la question de ces soldats en classe, pour soulever l'intérêt des élèves pour ces sujets, leur apprendre à commémorer les morts, mais également leur expliquer comment agir pour aider la cause de ces soldats. Dans ce même cercle, on compte également les ONG créées à cet effet, dont la fondation Born to Freedom. Un troisième cercle regroupe les acteurs commerciaux. Ce sont des commerçants qui, se sentant solidaires, mènent des actions pour maintenir l'intérêt du public. Kaplan prend l'exemple d'une station essence où étaient distribués des flyers pour la libération de Ron Arad, un soldat disparu depuis 1986. Sur la page Wikipédia de ce soldat, on apprend également qu'en 2008, la compagnie Israir Airlines a fait mention du 50e anniversaire d'Arad sur un de ces A330. Le dernier cercle regroupe la communauté juive internationale. On voit donc bien que le sens de solidarité ressemble assez à ce que Benedict Anderson appelle "la communauté imaginaire".      

Toutefois, cela n'est pas sans provoquer certains débats. Cette attitude de solidarité peut en effet être source de grands désagréments. Un échange de prisonniers signifie que des personnes jugées des criminels - parfois à tort, parfois à raison - remet en liberté de potentiels dangers pour la sécurité du pays et des Israéliens. Cela renforce en outre la force des organisations dont les prisonniers ont été relâchés. En d'autres termes, faut-il sacrifier la vie de dizaines d'individus pour celle d'un seul ? Donniel Hartman illustre bien ce propos en expliquant que les Israéliens sont très majoritairement en faveur de la libération de Shalit, mais dès qu'il sera libéré, ils se rétracteront, car ils verront les possibles conséquences négatives de cet échange. C'est un éternel débat, car il y a des associations très bien organisées en Israël pour empêcher le gouvernement de se lancer dans de telles folies, telles que Almagor, qui luttent pour les victimes d'attentat.

Bref, ceci est assez difficile à bien percevoir pour un non-juif et non-israélien, j'espère ne pas avoir oublié certains points importants.

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