Le Heidelberg Institute for International Conflict Research vient de publier son annuel Conflict Barometer. Cette étude très intéressante recense les conflits dans le monde de manière exhaustive. Les auteurs ont établi un total de 365 conflits en 2009. La définition et la typologie des conflits sont des éléments essentiels pour comprendre l'étude. Un conflit est défini comme des "confrontations d'intérêts (différences de position) sur une certaine période et d'une certaine magnitude ayant trait à des valeurs nationales (territoire, sécession, décolonisation, autonomie, système/idéologie, pouvoir national, prédominance régionale, pouvoir international, ressources et autres) entre au moins deux parties (groupes organisés, Etats, groupes d'Etats et organisations) qui sont déterminées à poursuivre les intérêts et à atteindre leurs objectifs". J'ajoute également le tableau des niveaux d'intensité d'un conflit pour bien comprendre ce à quoi le rapport fait référence lorsqu'il établit l'état des conflits. C'est important pour comprendre certains choix, notamment sur l'Iraq.
Ainsi, sur les sept guerres recensées, trois ont lieu au Moyen Orient et Maghreb (MENA). Comme je n'inclus pas comme eux l'Afghanistan dans cette région, cela n'en fera que deux : Israël contre le Hamas et le gouvernement yéménite contre al Houthi. En 2008, les deux étaient classées comme des "crises sévères". La méthodologie est ici importante, car les affrontements en Iraq sont au pire considérées comme des "crises sévères", que ce soit entre le gouvernement contre AQI ou contre les insurgés. Depuis l'année dernière, la lutte contre les insurgés n'est plus considérée comme une "guerre" et l'opposition contre AQI ne l'a jamais été. Les forces de coalition ne sont en outre pas mentionnées dans les parties s'affrontant. En effet, le rapport définit le conflit entre AQI ou les insurgés contre le gouvernement. La force multinationale menée par les Américains ne vient qu'en soutien du gouvernement. Il en va de même pour l'Afghanistan.
Le conflit entre le gouvernement yéménite et al Houthi est élévé au rang de "guerre". Les affrontements contre AQPA et contre les séparatistes au sud sont considérés comme des "crises". On voit bien ici où se trouve la priorité pour Sana'a. Al Houthi est également mentionné contre l'Arabie Saoudite, un conflit que les auteurs caractérisent comme une "crise sévère" à la lumière des affrontements des derniers mois.
Le Proche Orient est également marqué par de nombreuses tensions. Outre les habituels difficultés entre Israël et ses voisins (ceux qui ne reconnaissent pas l'Etat hébreu) ou avec le Hezbollah ou les contentieux intra-palestiniens, quelques points sont ici à noter. L'étude note l'émergence d'un nouveau conflit, classé comme une "crise", entre le Hamas et les groupes salafistes à Gaza, ce dont j'ai déjà parlé. De même, l'Opération Plomb Durci a provoqué le changement de statut entre Israël et les groupes palestiniens de Gaza d'une "crise sévère" à "une guerre".
Quant à l'Iran, plusieurs points sont à soulever. L'étude ne considère le conflit entre Israël et l'Iran que comme "un conflit manifeste" (et j'espère que nous en resterons à ce niveau). Le conflit entre l'Iran et l'opposition politique est passé d'un "conflit manifeste" à une "crise" à la lumière des nombreuses manifestations et répressions suite aux élections présidentielles.
En bref, le Moyen Orient est un important foyer de conflits, mais contrairement à ce que l'on pourrait penser n'est pas la région la plus affectée. En effet, l'étude compte 55 conflits (en incluant l'Afghanistan) contre 113 pour l'Asie et l'Océanie, 85 en Afrique et 66 en Europe (principalement en Europe de l'est, dans les Balkans et dans le Caucase). Toutefois, la région MENA compte neuf conflits de haute intensité, dont trois guerres. C'est probablement cette dernière statistique qui pourrait cultiver l'impression que la région MENA est le lieu le plus instable de la planète. Toutefois, il est fort probable que si l'on ramène cela à une échelle géographique, la concentration des conflits en fasse effectivement le point focal des tensions dans le monde.
dimanche 3 janvier 2010
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