mardi 12 janvier 2010

L'implantation difficile d'Al Qa'ida dans la zone israélo-palestinienne (mise à jour)

Le think tank Washington Instute for Near East Politics (WINEP) a sorti il y a quelques jours une longue étude sur l'implantation de groupes inspirés par Al Qa'ida en Israël et dans les Territoires palestiniens. J'ai déjà parlé de l'existence de ce phénomène, qui demeure assez marginal, mais qui soulève bien des questions. En effet, dans un univers religieux déjà chargé, radical et violent, comment expliquer une présence d'AQ ? Le Hamas tient la bande de Gaza d'une main de fer et cela est donc assez surprenant. Dans l'ensemble, lorsque l'idéologie d'AQ trouve terre à sa graine, c'est plutôt dans une zone de non-droit ou dans une zone où l'atmosphère religieuse est peu radicale, voire peu présente.

L'étude de Yoram Cohen et Matthew Levitt prend ce sujet avec beaucoup de pincettes. Ils ne tiennent surtout pas à enfler une menace qui reste très peu perceptible et très concentrée. Les exemples cités sont souvent presque anecdotiques, notamment lorsqu'ils évoquent les actions parfois d'individus isolés en Cisjordanie ou d'Arabes israéliens. (La nuit porte parfois conseil et je me suis dit qu'il serait bon de rajouter un point sur le salafisme prêché à Gaza et celui prêché en Cisjordanie) L'étude remarque une différence importante entre les deux zones. En Cisjordanie, le la communauté salafiste focalise ses efforts principalement sur la prêche et les activités prosélytes (salafiya dawiya). En d'autres termes, bien que leur rhétorique soit teintée d'extrémisme, ils en viennent rarement aux actions. A l'inverse, à Gaza, cette communauté concentre principalement ses efforts sur des actions violentes liées au jihad contre les infidels (salafiya jidahiya).

Le point intéressant de cette étude est son interrogation sur la capacité de groupuscules inspirés d'AQ à émerger à Gaza. Il n'y a certes pas d'argumentaire révolutionnaire, mais je ne pense pas l'avoir déjà vu présenter aussi clairement. Plusieurs facteurs jouent, dont voici les principaux :
  • L'occupation qui est évidemment un facteur aggravant,
  • La corruption ambiante,
  • Les moyens de communication, notamment Internet, qui permettent de rentrer en contact avec des idéologies hyper radicales.

En fait, on apprend que de nombreux membres de ces groupes sont des anciens du Hamas qui ont quitté le groupe nationaliste, parce qu'ils ne le trouvaient plus assez radical dans la mise en place de la charia et vis-à-vis d'Israël. Pour autant, les auteurs ne se veulent pas alarmistes ; il est, selon eux, peu probable qu'AQ s'implante dans la zone. Cela se voit déjà dans le fait que les communications ont jusqu'à présent plus fonctionné dans le sens Gaza vers AQ plutôt que l'inverse. Plusieurs raisons toutefois justifient cette position qui me paraissent pertinentes :
* La relation entre le Hamas et Al Qa'ida est très tumultueuse et le groupe palestinien ne permettra pas à AQ de faire sa niche à Gaza.
* Peu de Palestiniens ont envie de voir leur cause diluer dans une cause globale. Bien des membres de ces groupuscules sont avant tout guidés par un jihad local plutôt que global, ce qui s'oppose à ce qui est prôné par AQ. En outre, ce que recherchent les Palestiniens, c'est leur souveraineté politique et le contrôle de leur vie.

Si les communications établies jusqu'à aujourd'hui ont peu émané d'Al Qa'ida, les auteurs estiment que cela peut se justifier par le fait que le groupe terroriste conserve ses soupçons sur la validité des revendications de ces groupes et également le fait qu'ils veulent peut-être attendre qu'un ou plusieurs groupes se voient véritablement et sérieusement établis pour installer une chaîne de communication plus institutionnelle.

Pour finir, les auteurs n'écartent néanmoins pas le potentiel pour qu'Al Qa'ida puisse se faire son trou, notamment à Gaza. En effet, ils expliquent que le Hamas peut parfois utiliser des techniques, comme les hommages publiques à un kamikaze après un attentat-suicide, qui pourrait brouiller les lignes de séparation entre les deux. Al Qa'ida pourrait instrumentaliser ces méthodes de sorte qu'il parvienne à combiner, à l'insu du Hamas, le "jihad proche" et le "jihad lointain". Je reste sceptique sur ce point, notamment parce que les attentats suicides se font rarissimes et parce que le Hamas ne semble pas dans une logique vertement irrationnelle et frontale contre Israël, comme pourrait l'indiquer leur politique d'empêcher des groupes palestiniens de tirer des roquettes depuis Gaza.

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