vendredi 6 mars 2009

Un plan B s'impose sur le dossier israélo-palestinien

Dans les cas de force majeure, il faut employer de grands moyens, ambitieux, peut-être un peu trop. Nathan Brown, prof à la George Washington University et fellow au Carnegie Endowment for International Peace, annonce dans un rapport au Carnegie qu'il est temps de passer au plan B sur le dossier israélo-palestinien.

Si la solution à deux Etats semble acceptée par tous, sa mise en place est pour le moment terriblement compromise. Il faut avant toute chose travailler à un cessez-le-feu entre le Hamas et Israël, estime Brown. Mais, prévient-il, pas un cessez-le-feu caduc comme le précédent. La trêve de juin 2008 et les cessez-le-feu unilatéraux de janvier manquaient d'engagement et de clarté. Un nouveau cessez-le-feu doit être clair et peut-être même écrit. La communauté internationale doit le rendre plus attractif tant pour le Hamas que pour Israël. Ouverture de la frontière à Rafah pour les premiers et plus de contrôle sur le passage des armes pour les seconds.

Brown encourage également à transformer le cessez-le-feu en armistice. Cela servirait à faire d'un accord à court terme une décision sur du moyen terme. "Une armistice entre les Israéliens et les Palestiniens signifierait que le conflit n'est pas résolu, explique l'auteur, mais elle servirait à construire une série d'arrangements avec lesquels les deux camps pourraient vivre pendant une période intérimaire." Paradoxalement, une armistice ou hudna est une idée que le Hamas a déjà proposée et qu'Israël a refusée. Pourquoi ? Eh bien, parce que le groupe palestinien a clairement énoncé que ce serait pour une durée déterminée ; Tel Aviv craint que le Hamas n'utilise cette période pour faire empirer la situation, explique Nathan Brown. Il faut donc trouver une position de compromis que les deux pourraient accepter.

Première étape : trouver de quoi les mettre d'accord. Jusqu'à présent, la posture de négociation du Hamas n'a jamais testé, estime Brown, donc on ne sait dans quelle mesure leurs demandes ne pourraient pas être révisées sur ce sujet. L'auteur reconnait que même si des garanties sont données aux deux parties, les questions territoriales demeurent une priorité centrale. Priorité que Brown balaie étrangement d'une formule sans transition : "il y a des problèmes plus profonds que la géographie pour une armistice".

Deuxième étape : établir une crédibilité à court terme. Pour qu'une armistice soit tenue, il faut que chaque camp soit convaincu que l'autre veut poursuivre dans cette voie. Troisième étape : assurer des objectifs à plus long terme. La communauté internationale a un rôle à jouer ici, car, selon Brown, seule elle peut se montrer intransigeante sur les implantations israéliennes et les armes du Hamas.

Quatrième étape : rompre le tabou du dialogue avec le Hamas. Nathan Brown explique que les justifications pour éviter le dialogue sont sans fondement :
* dialoguer avec le Hamas encouragerait le terrorisme : Israël n'est encline à un cessez-le-feu, donc à des négociations certes indirectes, que lorsque le Hamas tire des roquettes. Le groupe palestinien est par contre mis au ban quand il essaie de se montrer un acteur rationnel (preuve encore à Sharm où le Hamas était absent).
* le dialogue légitimerait le Hamas : Brown estime que le Hamas ne se montrerait pas impatient de capitaliser sur un tel dialogue ; au contraire, il craindrait que sa base ait l'impression d'avoir été trahie. L'auteur rappelle que c'est dont ils ont accusé le Fatah.
* Brown explique que les Etats-Unis ont déjà légitimé des négociations avec le Hamas en endossant la médiation égyptienne entre Israël et le Hamas.

L'auteur envisage un cessez-le-feu de 5 à 10 ans. Durée pendant laquelle les Etats-Unis et d'autres travailleraient à améliorer la situation. Tout d'abord en reconstruisant l'Autorité palestinienne et en donnant plus de crédit aux institutions et à la démocratie palestiniennes. Donc, cela sous-entend une réconciliation entre le Fatah et le Hamas, une garantie que les résultats d'élections seront respectés - pas comme en 2006 -, et d'éviter de renforcer les forces de sécurité du Fatah pour qu'elles soient capables de mater le Hamas. Le plus important sera de forcer le Hamas et Israël à faire des choix. Les deux camps ont la fâcheuse tendance à opter pour tous les choix, aussi contradictoires soient-ils.

Nathan Brown est conscient de la difficulté qu'il y aurait à mettre en place un tel plan. "A sa décharge, cette réorientation de politique n'est pas certaine de délivrer la paix, prévient-il. C'est seulement qu'elle a des chances de permettre aux Israéliens et aux Palestiniens de vivre ensemble pendant un temps, pendant lequel - avec un effort international conséquent - le conflit peut être amené à évoluer vers des formes plus gérables."

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