samedi 21 février 2009

Pourquoi Netanyahu veut-il un gouvernement d'union nationale?

En anglais, on dirait Gideon Levy is in da house. La dernière chronique du très populaire journaliste israélien Gideon Levy dans Haaretz est un concentré d'acide porté par une plume provocatrice. Cet écrit intervient après l'officialisation, hier, de la demande de Shimon Peres à Benjamin Netanyahu pour former un gouvernement, suite à un nouvel échec de Tzip Livni dans cette mission malgré sa victoire électorale. "Bibi" a immédiatement appelé à un gouvernement d'unité nationale, urgeant le partis Kadima et Travailliste à rejoindre sa coalition. Appel entendu par Livni, mais qu'elle a rejeté. Ehud Barak a jusqu'à présent indiqué qu'il envisageait les Travaillistes dans l'opposition, non pas tant à cause du Likud, mais à cause de la présence de Israël Beiteinu.

La question que beaucoup se demandent, dont Levy, est de savoir pourquoi Netanyahu envisage une coalition centriste, alors qu'il a 65 sièges - donc une majorité à la Knesset - en formant un bloc avec les partis de droite et d'extrême droite. "Parce qu'il a peur, juge Levy. Maintenant, au moment de vérité, quand il a la possibilité d'appliquer son idéologie, il se montre frileux et veut diluer son gouvernement avec des éléments qui sont étrangers à sa doctrine."

Après une liste de scénarios aussi plausibles que dangereux avec une coalition de droite, Levy conclut que Netanyahu a peur de lui-même. "La vérité est que Netanyahu sait que cet horizon est horrible. Il veut Kadima et les Travaillistes dans son gouvernement pour le retenir, pour l'empêcher de mettre en pratique sa doctrine. C'est justement la raison pour laquelle ils ne doivent pas rejoindre sa coalition. Rendez à Netanyahu ce qui est à Netanyahu. Voyons voir comment cela se termine pour lui. Et pour nous."

Scénario toutefois dangereux à tant de niveaux, mais surtout pour le processus de paix. Le parti Shas, pourtant minoritaire dans la coalition d'Ehud Olmert, était suffisamment indispensable au maintien du gouvernement pour imposer des décisions mondialement condamnées d'étendre les colonies. Alors, on a du mal à imaginer ce à quoi ressemblerait une coalition où l'on met pêle-mêle tous les partis d'extrême droite et partis religieux.

N'oublions toutefois pas que tous ces partis ne s'apprécient pas forcément ; les relations sont notamment tendues entre le parti Shas et Avigdor Lieberman. Les premiers accusent Lieberman de vouloir institutionnaliser le mariage civil, actuellement interdit en Israël, et de vouloir autoriser la vente de porc, contraire à la religion juive. Lieberman remet en cause la citoyenneté des partisans ultra-orthodoxes du Shas qui ne font pas leur service militaire, symbole d'une citoyenneté pleine en Israël (il est d'ailleurs intéressant de voir que le slogan du Beiteinu "pas de loyauté, pas de citoyenneté" originellement dirigé contre les Arabes Israéliens s'adresse également aux ultra-orthodoxes).

Pour Levy, "Bibi" a peur. Peut-être, mais un autre aspect peut également jouer. Lorsqu'il était au pouvoir entre 1996 et 1999, il avait à faire, comme aujourd'hui, à un Président américain démocrate. Les relations avec Bill Clinton ont été particulièrement difficiles, tant le Premier ministre israélien de l'époque était réticent à accéder aux demandes de la Maison Blanche sur le processus de paix. Mais, le chef du Likud pouvait jouer sur une autre stratégie. A l'époque, le Congrès était Républicain et Netanyahu savait le Congrès beaucoup plus favorable à sa cause que la Maison Blanche. Le contexte a changé, car la Maison Blanche comme le Capitole sont Démocrates. Il sera donc bien plus difficile pour le prochain Premier ministre israélien de faire fi des demandes de Barack Obama.

On peut envisager que Netanyahu prenne ce détail en compte et mesure ses options. Il sait à quel point la relation avec les Etats-Unis est cruciale pour Israël et il sait également qu'elle serait exténuante avec une coalition de droite. Il a d'ailleurs répété pendant la campagne qu'un de ses principaux regrets lorsqu'il était Premier ministre était de ne pas avoir formé une coalition centriste. Même si Livni et Barak ont refusé de le rejoindre pour le moment, l'issue des négociations pourrait indiquer un rassemblement du centre, indique Gerald Steinberg, de l'Université Bar-Ilan en Israël, au Council on Foreign Relations. Il rappelle pertinemment que si Kadima rejoint le Likud, à deux, ils ont 59 sièges et qu'ils pourraient très bien prendre quelques sièges chez les Travaillistes pour obtenir la majorité de 60 sièges, zappant donc l'influence conquise par Lieberman lors du dernier scrutin avec ses 15 sièges.

Est-ce envisageable ? C'est difficile à dire. Est-ce souhaitable ? Plus qu'une coalition de droite en tout cas. Steinberg reste toutefois prudent. Kadima comme les Travaillistes font également leur calcul politique et n'ont pas forcément un intérêt électoral à se lancer dans un tel périple. Selon Steinberg, les deux partis parient sur un gouvernement de droite incapable de durer, miné par une crise économique rampante en Israël, par de pressions de plus en plus fortes des Etats-Unis et de l'Europe. A la suite de quoi ils pourront revenir renforcés par les déboires du gouvernement. Est-ce envisageable ? Oui. Est-ce souhaitable ? Non, car pendant que le gouvernement se casse la figure, le processus de paix s'enlise irrémédiablement.

Le meilleur scénario serait que Kadima et les Travaillistes dans leur ensemble rejoignent une coalition menée par le Likud. En effet, les deux partis se retrouveraient avec 43 voix dans la coalition contre 29 pour le Likud, une certaine position de force qui pourrait jouer à l'avantage du processus de paix et de décisions de politique interne, comme sur les colonies. Aussi favorable que serait ce scénario, il est illusoire, car Netanyahu ne se laisserait jamais duper à ce point.

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