mercredi 2 mars 2011

Réactions tardives à la brève intervention du Président Sarkozy

Pourquoi ne pas faire un bref commentaire sur la brève intervention de Nicolas Sarkozy dimanche soir ? Après tout, il a parlé des bouleversements dans le monde arabe. N'est-ce pas le sujet de ce blog ? Eh bien, si. Remédions donc à cet oubli

Le Président français a affirmé :

En opposant la démocratie et la liberté à toutes les formes de dictature, ces révolutions arabes ouvrent une ère nouvelle dans nos relations avec ces pays dont nous sommes si proches par l'histoire et par la géographie. Ce changement est historique. Nous ne devons pas en avoir peur. Il porte en lui une formidable espérance car il s'est accompli au nom des valeurs qui nous sont les plus chères, celles des droits de l'homme et de la démocratie. (...) Nous ne devons avoir qu'un seul but : accompagner, soutenir, aider les peuples qui ont choisi d'être libres. Entre l'ingérence qui ne serait pas acceptée et l'indifférence qui serait une faute morale et stratégique, il nous faut tout faire pour que l'espérance qui vient de naître ne meure pas car le sort de ces mouvements est encore incertain. Si toutes les bonnes volontés ne s'unissent pas pour les faire réussir, ils peuvent aussi bien sombrer dans la violence et déboucher sur des dictatures pires encore que les précédentes.
Quelle belle rhétorique ! Quelques points sont à noter :

* "Ne pas avoir peur" des événements : pourquoi en aurait-on peur ? L'incertitude n'induit pas forcément la peur. Au lieu de parler de "peur", terme tellement sensationnaliste, parlons à la rigueur de crainte. On peut craindre que les régimes qui émergeront ou les changements qui seront mis en place ne seront pas sources d'avancée, mais de statu quo, voire de recul. Il n'y a pas de certitude que les prochains régimes égyptien et tunisien (si tant est que les actuels soient effectivement démantelés) soient moins autoritaires. Surtout, il n'y a pas de certitude qu'ils accéderont aussi aisément aux demandes occidentales. L'idéaliste voudrait que cela soit vrai, le réaliste dira que les intérêts politiques et économiques sont trop forts pour qu'un nouveau régime puisse tourner le dos à toutes les politiques mises en place et repartir de zéro. Il n'y a pas de certitude que ces régimes ne tombent pas aux mains d'islamistes. C'est extrêmement peu probable, sachant qu'ils ne sont pas en tête des cortèges et qu'en Egypte par exemple, ils ont affirmé qu'il ne briguait pas le pouvoir. Certes, leur seule présence (forte au demeurant) garantira à leurs préoccupations religieuses d'être un sujet de débat récurrent, voire de contribuer à la redéfinition de la société dans ces pays, ce qui leur suffit à ce stade. Il n'y a donc aucune "peur" à avoir ; simplement, un voile d'incertitudes pèse.

* "Nous ne devons avoir qu'un seul but : accompagner, soutenir, aider les peuples qui ont choisi d'être libres" : Une question s'impose : vraiment ? Il explique que l'ingérence de même que l'indifférence sont malvenues. Soit. Et que se passe-t-il si "les peuples qui ont choisi d'être libres" prennent des chemins non-démocratiques, qu'ils mettent en place des "démocraties illibérales", pour reprendre Fareed Zakaria, qu'ils développent des systèmes économiques protectionnistes et populistes ? Doit-on les accompagner et les assister ? Regarder les événements est une aporie ! Il est évident que l'ingérence ne doit pas diriger les politiques à l'égard de ces pays. Néanmoins, il ne faut pas attendre qu'ils nous demandent notre assistance. Il est nécessaire de leur fournir. Pas la peine de parler de fantaisies, telles qu'un plan Marshall, mais un soutien de tout type dans la phase de transition, au niveau législatif, constitutionnel, politique, économique, policier (évidemment pas un soutien comme envisagé par Michèle Alliot-Marie). A l'échelle nationale et européenne, une opportunité se présente pour participer à ces processus de transition.

Nicolas Sarkozy a consacré quelques instants à l'Union pour la Méditerranée :
L'Union pour la Méditerranée, fondée à l'initiative de la France le 13 juillet 2008, doit permettre à tous les peuples de la Méditerranée de bâtir enfin une destinée commune. Le moment est venu de refonder cette Union à la lumière des événements considérables que nous vivons. La France fera des propositions en ce sens à ses partenaires.
L'UpM a pour le moment été un échec. Embourbée dans des obstacles institutionnels, politiques et stratégiques, elle repose sur un principe théoriquement pertinent, mais en pratique difficile à maintenir. Contrairement au processus de Barcelone, l'UpM s'est construit sur un principe de parité, où les pays du sud ont autant leur mot à dire que les pays européens. Construire ensemble, pourrait-on dire, mais de fait, comme le soulignait Roberto Aliboni, vulnérabilité accrue aux tensions politiques, telles que le conflit israélo-palestinien. Si refondation il doit y avoir, il faut éviter que le processus bute constamment au sempiternel imbroglio, qu'il devrait être possible d'écarter d'un processus tel que l'UpM. 

Projet français oblige, Nicolas Sarkozy n'a parlé que de l'UpM. Néanmoins, la France, ainsi que d'autres pays méditerranéens ont signé un non-papier pour revisiter la politique européenne de voisinage en direction du sud - une initiative qui s'inscrit dans le contexte de la réflexion plus globale sur la PEV. Il y a de bonnes idées, qui sont probablement plus réalistes et rapidement "implémentables" qu'une refondation de l'UpM, qui nécessiterait un travail avec les 27 Etats-membres et les pays de la rive sud. Je prendrai le temps plus tard de me pencher sur le débat de la PEV.

Aucun commentaire:

 

blogger templates | Make Money Online