mercredi 2 mars 2011
La réforme du secteur de la police en Egypte
On fait grand cas aujourd'hui des réformes politiques et économiques nécessaires en Egypte, mais trop peu de la réforme du secteur de la police. Le Washington Post a consacré un article très pertinent sur l'absence totale de confiance que les Egyptiens ont pour les forces de sécurité. Une confiance perdue bien avant les révoltes des dernières semaines, mais un sentiment renforcé par les centaines de morts et de blessés.
Que ce soit dans les pays en phase de reconstruction après une guerre ou dans les phases post-autoritaires, un des secteurs fondamentaux à réformer est la police. En effet, elle est souvent accusée d'être corrompue, d'avoir participé à des actes violant les droits de l'homme, bafouant les libertés individuelles, d'avoir agi brutalement sans raison, d'avoir maintenu un régime de peur pour protéger le pouvoir en place, de ne pas être l'incarnation du pilier de la justice. Elle n'a jamais bénéficié du respect qui pourrait incomber à sa fonction. Toutes ces pratiques sont devenues inhérentes au fonctionnement de ces forces de sécurité et il ne suffit pas d'un changement politique pour en altérer les pratiques. D'une manière totale, la police fait partie du régime. Ainsi, si l'on veut changer de régime, faut-il également lancer une importante et complexe réforme de ce secteur.
Plusieurs aspects sont essentiels dans ce processus :
* Le premier est de (ré)instaurer la confiance au sein de la population. Une population qui octroie à la police sa confiance est une police qui peut agir "par consentement" plutôt que "par contrainte", c'est-à-dire que l'on accepte qu'elle fasse usage de "la violence légitime", pour reprendre Max Weber, sans que l'on n'y voit d'abus. La confiance est un concept fluide et donc difficile à appréhender.
* Le second découle du premier et correspond à des réformes structurelles. Comme dans toute organisation policière et militaire, les rangs inférieurs n'ont pas de rôle de décision et suivent les ordres. Il est donc vain de les radier. Néanmoins, il est assez commun de voir quelques officiers, souvent hauts gradés, jugés pour leurs actes et qui servent d'exemple. Une purge complète est extrêmement coûteuse, particulièrement longue, sans garantie d'efficacité et peut être source de révoltes de la part des limogés. Dans le cas extrême, on arrive à l'Iraq et ses groupes insurrectionnels ; en Egypte, pour le moment, on en est resté à un incendie suspect au ministère de l'Intérieur où se trouvaient les archives potentiellement problématiques pour les officiers de police. Les réformes doivent donc être réalisées dans la structure, mais également au niveau du leadership ; une réforme par le haut étant le seul moyen de générer un changement dans les attitudes.
* Le troisième découle du second et provoque le premier, c'est l'amélioration des performances. De toute évidence, des réformes ne suffisent pas pour instaurer la confiance. Des résultats sont nécessaires. Résultats qui se traduisent dans la vie de tous les jours, dans le comportement des officiers de police vis-à-vis de la population, mais également lors de manifestations. A titre d'exemple, il est remarquable qu'en l'espace de sept ans, la Géorgie est réalisée une importante réforme du secteur policier au point que cette institution est aujourd'hui perçue comme l'une des moins corrompue et l'une des plus respectée du pays.
Plusieurs mesures sont essentielles qui se traduisent par des interventions intérieures et extérieures. Au niveau intérieur, il faut voter une loi sur le rôle de la police. Dans l'institution, il faut instaurer une discipline forte qui punisse les officiers abusifs (torture, corruption etc.) et établir une nouvelle politique de ressources humaines. En outre, il faut décentraliser le système. Plus il est centralisé, plus il est sclérosé. Enfin, il est nécessaire de mettre en place des programmes d'éducation et d'entraînement.
Sur ce dernier point, l'appui extérieur est crucial. En effet, ce type de programme est difficile à imaginer dans un pays où le système même est jugé comme inadéquat. Ainsi est-il nécessaire d'avoir recours à des institutions extérieures. Elles peuvent être nationales, que ce soit des voisins - pas certain qu'il y ait de modèle - ou des pays occidentaux, ou internationales, telles que l'OSCE ou l'UE qui ont des programmes de réforme des secteurs policiers.
La réforme de la police est un processus long et qui requiert un engagement politique important. Elle doit au cœur des intentions au niveau des hommes politiques égyptiens, mais également partie prenante des pressions que doivent exercer les acteurs extérieurs dans cette phase de transition.
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