mardi 18 janvier 2011

La Tunisie est à terre : à qui le tour ? (mise à jour 2)

Je suis rarement en accord avec Stephen Walt, mais cette fois-ci je trouve son argumentaire très bon. Selon lui, la révolution de Jasmin, comme on l'appelle désormais - à croire qu'on n'aime pas indiqué le nom des pays ces dernières années (velour, orange, Roses, Tulipes, Jasmin etc.) -, ne va pas créer un effet domino.

Tout d'abord, l'histoire montre que cela arrive extrêmement rarement même lorsque des efforts sont mis en place pour l'exporter comme ce fut le cas pour l'Iran. Par ailleurs, si Ben Ali a été incapable de gérer la situation, cela ne signifie que les autres dirigeants du monde arabe ne seront pas capables de mieux appréhender les risques de crise. Les événements en Tunisie ont en plus renforcé la crainte des dirigeants arabes que cela se produise chez eux et prennent déjà des mesures. De plus, l'expérience tunisienne peut paraître attirante aujourd'hui, mais le sera-t-elle dans quelques mois si règnent chaos et anarchie ? (A ce sujet, la décision de conserver des membres du gouvernement de Ben Ali est judicieuse et celle des ministres d'UGTT de démissionner dangereuse). Enfin, il est très difficile de préjuger du potentiel révolutionnaire d'une société. Deux variables sont importantes à cet égard, les préférences de la société en termes de révolte et les effets de l'information sur le comportement d'une population.

Un autre élément peut être ajouté à cette équation. Les événements qui ont marqué la Tunisie ces derniers jours ont été notables par l'absence de portée religieuse de ce mouvement. Comme l'explique Michael Koplow dans Foreign Policy, l'opposition islamiste a toujours été très marginalisée en Tunisie. Il suggère que s'il y avait eu une dimension islamiste, le régime aurait redoublé d'efforts pour mettre fin aux révoltes.

Cette prise de position soulève la question concernant la possibilité de voir les révoltes tunisiennes s'exporter dans le monde arabe. En Jordanie notamment, des manifestations menées par les Frères musulmans jordaniens se sont déroulées. Les Ikhwan jordaniens sont l'opposition la mieux organisée de Jordanie. Dans quelle mesure ce mouvement peut-il s'étendre à toute la population ? Certes, les islamistes ne participent apparemment pas à toutes les manifestations et ne sont pas les seuls à protester. En analysant les événements tunisiens, une des forces - et à d'autres titres faiblesses - des manifestations est qu'il n'y a pas de leader national, pas de coordination, une spontanéité de fait difficile à contrôler et à endiguer. A l'inverse, les Frères musulmans sont très bien organisés et possèdent une structure claire et capable de mobiliser des manifestants. De fait, ils sont également vulnérables de par l'existence de cette même organisation.

En outre, le rapport entre l'armée et le pouvoir est différent, les deux étant plus proches que dans le cas tunisien. L'armée jordanienne a une longue tradition de protection du régime hachémite. Elle a d'ailleurs été créée comme une police. (Mise à jour) Laurie Brand ajoute un autre élément important, mais qui est plus contextuel que structurel. Les manifestations actuelles s'en prennent avant tout au gouvernement. A ce jour, les manifestants se sont retournés de critiquer la dynastie hachémite.

La Jordanie est peut-être encore un cas à part au Moyen Orient, mais la conclusion comme quoi l'exemple tunisien va être répété et que manifestations et immolations dans la région la démontrent est hâtive. Néanmoins, il est fort probable que les dirigeants lâchent du lest et prennent des mesures tout à fait populistes en vue de calmer de potentielles crises internes. En effet, il est évident que dans tous ces pays, des manifestations vont se multiplier, car l'autoritarisme est roi au Moyen Orient et des factions de la population protestent, mais les chances qu'il y ait un effet d'entraînement paraissent peu probables.

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