mercredi 13 octobre 2010

A quoi joue Israël ?

Brève réaction sur les dernières évolutions en Israël :

- prêter allégeance à l'Etat juif et démocratique : C'est ce que tout étranger non-juif en recherche de naturalisation sera amené à faire. Quid des non-juifs qui vivent en Israël ? C'est une mesure bien maladroite, et le mot est faible. Elle a des relents nauséabonds dont l'Etat hébreu peut franchement se passer en ce moment.
- un nouveau moratorium sur les colonies contre une reconnaissance de la judaïcité d'Israël : C'est la proposition faite par le gouvernement. Ainsi demande-t-il que l'Autorité palestinienne reconnaisse Israël comme l'Etat du peuple juif en échange de quoi il est prêt à renouveler le moratorium pour la suspension de nouvelles colonies en Cisjordanie. Evidemment, les Palestiniens ont refusé. Et pour cause, d'un point de vue tactique, les Palestiniens n'ont aucun intérêt à accepter un point dont les répercussions sont indéfinies contre une mesure temporaire. En outre, qu'est-ce-que le caractère juif d'Israël vient faire dans les négociations ? C'est une pollution inutile. J'ai vu un commentaire sur un article du Monde il y a peu disant que le caractère juif d'Israël est indiqué dans la résolution de l'ONU de 1947. Certes, mais si on ressort ce document, les Israéliens seraient-ils prêts à retourner aux frontières de l'époque ? Quelque chose me dit que non.
- un référendum sur l'Etat palestinien : S'il y a des négociations pour céder des territoires, tels que Jérusalem ou les plaines du Golan, dans le cas d'un accord de paix, la mesure devrait passer par un vote à la Knesset puis serait présenté en référendum. Il est difficile de dire si c'est une bonne ou une mauvaise mesure. L'opinion israélienne peut tout à fait évoluer en faveur d'un accord de paix et si Jérusalem parait effectivement hors limite, le Golan est une autre histoire.

Bref, je ne sais pas trop à quoi joue le gouvernement israélien, mais cela n'annonce rien de bon.

6 commentaires:

Fabien a dit…

Voici un texte intéressant (daté mai 2009) du site Bitterlemons, pour comprendre la demande israélienne de reconnaissance de l'Etat juif.

- Palestinians will have to find a formula, Yossi Alpher (former director of the Jaffee Center for Strategic Studies at Tel Aviv University) - "La demande israélienne est née du fait que cette expérience manquée a fait réaliser que certains au moins des avocats palestiniens pour une solution de deux Etats, conduits par Yasser Arafat, la voyaient très différemment des Israéliens".
http://www.bitterlemons.org
"La controverse sur "l'Etat juif" a retrouvé les unes des journeaux il y a quelques semaines. Durant la première réunion entre l'émissaire américain George Mitchell et le premier ministre Benyamin Nétanyahou, tous les deux ont mentionné le terme. Nétanyahou a affirmé qu'Israël n'engagerait pas de négociations pour la création d'un Etat palestinien à moins et jusqu'à ce que les Palestiniens déclarent qu'ils reconnaissent Israêl en tant qu'Etat juif. Mitchell a présenté la perception d'Israël en tant qu'Etat juif aux côtés d'un Etat palestinien comme le produit final de négociations pour deux Etats.
Depuis lors, Nétanyahou a assoupli sa position et s'est rangé derrière la proposition de Mitchell. Il déclare à présent qu'il sera difficile de conclure (plutôt que de commencer) des négociations avec succès sans la reconnaissance palestinienne de l'identité juive d'Israël. Dans le même temps le président de l'AP Mahmoud Abbas (Abou Mazen) et le négociateur en chef Saeb Erekat ont déclaré que l'OLP ne reconnaîtrait jamais Israël comme un Etat juif et que ce n'était pas une obligation palestinienne.
Ainsi la question de "l'Etat juif" n'est pas un obstacle immédiat pour renouveler les négociations israélo-palestiniennes autour d'une solution de deux Etats. Mais elle ne sera pas évacuée. Et l'affirmation de Mitchell semble garantir un soutien américain final pour la demande d'Etat juif.
Un aspect de la controverse est aussi vieux que le sionisme, qui suppose que les Juifs sont un peuple méritant la souveraineté dans leur ancien pays natal. Il y a encore beaucoup de chrétiens et de musulmans dans le monde, et même quelques Juifs, qui insistent pour dire que le judaïsme n'est rien de plus qu'une religion, et non un peuple. Et l'Etat d'Israël, après 61 ans d'indépendance souveraine, n'a toujours pas défini avec succès pour lui-même la nature juive de l'Etat juif, par exemple l'équilibre entre les composants religieux et séculiers du judaïsme ou le statut des minorités non-juives dans un Etat juif.
Pourtant la demande d'Israël d'être un Etat juif est inattaquable. Le terme apparaît premièrement dans la résolution 181 de 1948 de l'Assemblée générale de l'ONU, le document fondateur de la solution de deux Etats. Elle appelle à la création des "Etats arabe et juif" dans la Palestine mandataire. Par conséquent, la Déclaration israélienne d'Indépendance de 1948 a incorporé le terme "Etat juif" afin de signaler que le nouvel Etat se conformait à la volonté des Nations Unies. Dans ce contexte, l'acceptation de l'OLP en 1988 d'une solution de deux Etats basée sur la résolution 181 entraîne la reconnaissance palestinienne d'Israël comme un Etat juif. (cf. suite)

Fabien a dit…

Voici un texte intéressant (daté mai 2009) du site Bitterlemons, pour comprendre la demande israélienne de reconnaissance de l'Etat juif.

- Palestinians will have to find a formula, Yossi Alpher (former director of the Jaffee Center for Strategic Studies at Tel Aviv University) - "La demande israélienne est née du fait que cette expérience manquée a fait réaliser que certains au moins des avocats palestiniens pour une solution de deux Etats, conduits par Yasser Arafat, la voyaient très différemment des Israéliens".
http://www.bitterlemons.org
"La controverse sur "l'Etat juif" a retrouvé les unes des journeaux il y a quelques semaines. Durant la première réunion entre l'émissaire américain George Mitchell et le premier ministre Benyamin Nétanyahou, tous les deux ont mentionné le terme. Nétanyahou a affirmé qu'Israël n'engagerait pas de négociations pour la création d'un Etat palestinien à moins et jusqu'à ce que les Palestiniens déclarent qu'ils reconnaissent Israêl en tant qu'Etat juif. Mitchell a présenté la perception d'Israël en tant qu'Etat juif aux côtés d'un Etat palestinien comme le produit final de négociations pour deux Etats.
Depuis lors, Nétanyahou a assoupli sa position et s'est rangé derrière la proposition de Mitchell. Il déclare à présent qu'il sera difficile de conclure (plutôt que de commencer) des négociations avec succès sans la reconnaissance palestinienne de l'identité juive d'Israël. Dans le même temps le président de l'AP Mahmoud Abbas (Abou Mazen) et le négociateur en chef Saeb Erekat ont déclaré que l'OLP ne reconnaîtrait jamais Israël comme un Etat juif et que ce n'était pas une obligation palestinienne.
Ainsi la question de "l'Etat juif" n'est pas un obstacle immédiat pour renouveler les négociations israélo-palestiniennes autour d'une solution de deux Etats. Mais elle ne sera pas évacuée. Et l'affirmation de Mitchell semble garantir un soutien américain final pour la demande d'Etat juif. (à suivre)

Fabien a dit…

suite du texte :
Un aspect de la controverse est aussi vieux que le sionisme, qui suppose que les Juifs sont un peuple méritant la souveraineté dans leur ancien pays natal. Il y a encore beaucoup de chrétiens et de musulmans dans le monde, et même quelques Juifs, qui insistent pour dire que le judaïsme n'est rien de plus qu'une religion, et non un peuple. Et l'Etat d'Israël, après 61 ans d'indépendance souveraine, n'a toujours pas défini avec succès pour lui-même la nature juive de l'Etat juif, par exemple l'équilibre entre les composants religieux et séculiers du judaïsme ou le statut des minorités non-juives dans un Etat juif.
Pourtant la demande d'Israël d'être un Etat juif est inattaquable. Le terme apparaît premièrement dans la résolution 181 de 1948 de l'Assemblée générale de l'ONU, le document fondateur de la solution de deux Etats. Elle appelle à la création des "Etats arabe et juif" dans la Palestine mandataire. Par conséquent, la Déclaration israélienne d'Indépendance de 1948 a incorporé le terme "Etat juif" afin de signaler que le nouvel Etat se conformait à la volonté des Nations Unies. Dans ce contexte, l'acceptation de l'OLP en 1988 d'une solution de deux Etats basée sur la résolution 181 entraîne la reconnaissance palestinienne d'Israël comme un Etat juif.
Ce fut la tentative la plus déterminée jusqu'alors pour résoudre le problème palestinien, culminant à Camp David en juillet 2000, qui a réintroduit la controverse autour de l'expression. La demande israélienne est née du fait que cette expérience manquée a fait réaliser que certains au moins des avocats palestiniens pour une solution de deux Etats, conduits par Yasser Arafat, la voyaient très différemment des Israéliens. Arafat était soupçonné de désirer un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza aux côtés d'Israël qui, par la croissance naturelle de sa population arabe israélienne couplée avec le retour des réfugiés de 1948 et la migration illégale de Palestiniens, serait bientôt devenu un Etat binational et serait par là éventuellement "palestinisé". (à suivre)

Fabien a dit…

Suite du texte :
Pendant les années post-Camp David, les Israéliens se sont focalisés en particulier sur la demande emphatique d'Arafat pour qu'Israël reconnaisse le "droit au retour" des réfugiés - reconnaissant ainsi, apparemment, qu'il était "né dans le péché" en 1948, et par conséquent était illégitime - en parallèle à son refus de reconnaître la demande d'Israël qu'un accord final statutaire reflète l'héritage juif historique et religieux du Mont du Temple (Arafat : "Il n'y a jamais eu de temple juif sur le 'Mont du Temple'"). Ces sentiments et demandes ont été comprises comme reflétant un refus arabe plus large d'accepter les Juifs comme un peuple avec des droits nationaux légitimes et des racines au Moyen-Orient. Alors qu'Israël parvenait à mettre fin à ses conflits avec deux Etats arabes voisins sans creuser trop profondément ces questions, il ne pouvait les ignorer en négociant un accord pour mettre fin au conflit avec l'OLP, de peur de laisser ouverte la porte à des réclamations futures envers Israël et à la délégitimation de son caractère fondamental.
Ce fut Tsipi Livni, alors ministre subalterne dans le gouvernement Sharon, qui il y a plusieurs années a affiné cette réflexion vers une nouvelle formule pour répondre à la question du droit au retour. Revenant à la résolution 181, Livni a soutenu que la demande palestinienne pour le retour des réfugiés devait être confinée au retour dans l'Etat palestinien et non Israël, car cela contredirait la stipulation d'un "Etat juif" par la résolution 181 que l'OLP avait reconnue.
Erekat, à ce propos, était dans l'erreur quand il a argué qu'en 1948 même les Etats-Unis avaient refusé de reconnaître Israël comme un Etat juif en barrant cette expression du brouillon américain original pour la déclaration de reconnaissance. Les assistants du président Harry Truman, dans l'attente d'être informés du nom du nouvel Etat, ont repris directement le terme "Etat juif" de la résolution 181, et l'ont ensuite raturé à la dernière minute lorsqu'ils apprirent que le nom "Etat d'Israël" avait été choisi par le leadership juif en Palestine. L'intention ne fut en aucune manière d'impliquer que les Etats-Unis avaient en quelque sorte rejeté Israël en tant qu'Etat juif. (à suivre)

Fabien a dit…

Suite du texte :
Pendant les années post-Camp David, les Israéliens se sont focalisés en particulier sur la demande emphatique d'Arafat pour qu'Israël reconnaisse le "droit au retour" des réfugiés - reconnaissant ainsi, apparemment, qu'il était "né dans le péché" en 1948, et par conséquent était illégitime - en parallèle à son refus de reconnaître la demande d'Israël qu'un accord final statutaire reflète l'héritage juif historique et religieux du Mont du Temple (Arafat : "Il n'y a jamais eu de temple juif sur le 'Mont du Temple'"). Ces sentiments et demandes ont été comprises comme reflétant un refus arabe plus large d'accepter les Juifs comme un peuple avec des droits nationaux légitimes et des racines au Moyen-Orient. Alors qu'Israël parvenait à mettre fin à ses conflits avec deux Etats arabes voisins sans creuser trop profondément ces questions, il ne pouvait les ignorer en négociant un accord pour mettre fin au conflit avec l'OLP, de peur de laisser ouverte la porte à des réclamations futures envers Israël et à la délégitimation de son caractère fondamental.
Ce fut Tsipi Livni, alors ministre subalterne dans le gouvernement Sharon, qui il y a plusieurs années a affiné cette réflexion vers une nouvelle formule pour répondre à la question du droit au retour. Revenant à la résolution 181, Livni a soutenu que la demande palestinienne pour le retour des réfugiés devait être confinée au retour dans l'Etat palestinien et non Israël, car cela contredirait la stipulation d'un "Etat juif" par la résolution 181 que l'OLP avait reconnue. (à suivre)

Fabien a dit…

Suite et fin du texte :
Erekat, à ce propos, était dans l'erreur quand il a argué qu'en 1948 même les Etats-Unis avaient refusé de reconnaître Israël comme un Etat juif en barrant cette expression du brouillon américain original pour la déclaration de reconnaissance. Les assistants du président Harry Truman, dans l'attente d'être informés du nom du nouvel Etat, ont repris directement le terme "Etat juif" de la résolution 181, et l'ont ensuite raturé à la dernière minute lorsqu'ils apprirent que le nom "Etat d'Israël" avait été choisi par le leadership juif en Palestine. L'intention ne fut en aucune manière d'impliquer que les Etats-Unis avaient en quelque sorte rejeté Israël en tant qu'Etat juif.
L'aspect le plus dérangeant de cette controverse est que les deux parties "protestent trop" et semblent manipuler la question de l'Etat juif pour éviter une tentative sérieuse d'accord. Quand Abbas et Erekat rejettent apparemment le coeur de l'identité israélienne avant même que les négociations ne débutent, ils risquent d'envoyer aux Israéliens le signal que l'effort de négocier ne vaut pas la peine. Au bout du compte, s'ils ne reconnaissent pas Israël comme Etat juif tout en voulant d'Israël qu'il accepte un accord final mettant toutes les revendications sur la table, les Palestiniens devront trouver quelque formule convaincante pour rassurer Israël sur le fait qu'ils reconnaissent le lien national juif à la terre d'Israël et ne voient pas un accord pour deux Etats comme un moyen éventuel de miner la nature juive d'Israël.
D'un autre côté, Nétanyahou a tout son temps pour soumettre la question de l'Etat juif une fois qu'il aura négocié avec succès tout le reste. Israël n'a pas vraiment à demander l'affirmation explicite ou l'engagement de ses voisins pour déterminer sa nature nationale. C'est en fait une tâche pour les Israéliens."

 

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