mercredi 31 mars 2010

Etats-Unis/Israël : vers un changement de donne ?


Me voici de retour. Je m'accoutume petit à petit à Bruxelles.

Cette absence de blogging m'a permis de prendre un peu de recul sur les derniers événements et notamment sur les tensions israélo-américaines qui ont rythmé le mois de mars depuis la visite de Joe Biden début mars. Quelle lecture peut-on faire de cette série de désaveux publics ? Y a-t-il des risques d'orage entre Washington et Tel Aviv ou n'était-ce que les giboulées de mars ?

Avant toute chose, il faut balayer l'idée qu'Israël est en train de perdre son meilleur allié, les Etats-Unis. Cela n'a aucun fondement et il serait ridicule de penser que la relation spéciale entre les deux pays va prendre fin incessamment sous peu. Le lien est beaucoup plus qu'un simple partenariat stratégique. Il y a une proximité de destins (les deux se perçoivent comme le peuple élu), des valeurs et des idéaux communs, des perspectives politiques proches et certains pourront même souligner un lien religieux, car la religion protestante accorde une place privilégiée à Israël.

En outre, et d'un point de vue beaucoup plus terre à terre, si les déclarations publiques et officielles peuvent indiquer un changement, il faut se souvenir que derrière, il y a toute une bureaucratie qui considère depuis des décennies comme absolument acquis le fait que les Etats-Unis et Israël sont alliés.

Toutefois, de mes souvenirs, il n'y a jamais eu autant de fuites sur des discordes liées à Israël - qui sont toutes vertement réfutées bien entendu. Evidemment, l'annonce de nouvelles constructions à Jérusalem-est en pleine visite du VP américain a généré son lot de blâme. La fuite la plus significative et qui a été très bien contenue émane de propos tenus par le général Petraeus. En effet, il aurait fait part de ses préoccupations sur l'absence de progrès et le manque d'engagement israélien dans la résolution de la question israélo-palestinienne. Pour lui, cela affaiblit la position américaine dans la région. Pour Paul Rodgers, le fait que des critiques émanent d'un militaire - et surtout du rang, de la visibilité et de l'influence de Petraeus - est très symbolique d'un changement possible, car le partenariat entre les deux pays sur ce terrain est très important. Cela fait écho à des propos que Joe Biden aurait tenus à Benyamin Netanyahou.

On apprend également que deux positions semblent prévaloir à la Maison Blanche. D'un côté, il y a ceux qui veulent faire pression sur Israël pour qu'il modifie la politique des colonies et arrêter de spéculer sur l'impact que cela peut avoir sur la coalition au pouvoir. Pour eux, résoudre cette question servira à en finir avec les problèmes de la région. Pour beaucoup, c'est du déjà entendu, mais il faut bien se dire que c'est un discours qu'on a peu l'habitude d'entendre à Washington. Les autres adoptent une position plus traditionnelle, comme Dennis Ross, qui prône la prudence. Pour eux, Jérusalem ne doit pas obstruer l'importance des questions régionales, comme l'Iran, sur lesquelles Israël est un allié essentiel. De surcroît, Netanyahou doit jongler avec une coalition fragile et donc il faut le ménager autant que faire ce peut.

Un autre point de détail - mais aussi important - peut laisser penser qu'un changement est en cours. La BBC affirme que si une résolution était présentée au Conseil de sécurité au sujet des colonies à Jérusalem-est, les Etats-Unis pourraient ne pas apposer leur véto. La position américaine a toujours été de s'opposer à chaque fois qu'une résolution critiquait Israël. Cela serait un signe intéressant. Il est déjà remarquable de constater que les Etats-Unis maintiennent une telle pression en privé, mais également publiquement. On apprend que lors de la visite difficile de Netanyahou à Washington, Barack Obama lui a fait une offre : quatre mois d'arrêt complet des constructions à Jérusalem-est en échange de quoi il se chargera de convaincre Mahmoud Abbas de tenir des négociations directes avec Israël, ce qu'il refuse désormais de faire.

Bref, les signes de tension sont bien réels. Il est encore un peu tôt pour parler de crise, car on s'en tient souvent à des discours et les actions prises sont assez minces et toutes d'une visibilité assez réduite. Ce n'est pas non plus la première fois que les deux pays rencontrent une période ombragée. Aussi bien sous Jimmy Carter que George H. Bush, il y a des confrontations assez musclées. Il est certain que si les Etats-Unis virent de bord sur les colonies et rejoignent des positions européennes, cela va propulser Israël dans une position périlleuse. Pour Jeffrey Goldberg, c'est exactement l'objectif américain, de provoquer une rupture dans la coalition actuelle à Tel Aviv et de forcer un gouverment Likud-Kadima. Les Etats-Unis doivent toutefois éviter l'écueil de se focaliser uniquement sur les colonies - même si c'est LE point de contention le plus houleux. J'ai du mal à lire la position israélienne, notamment chez les plus orthodoxes, quant à une pression résolue des Etats-Unis de tordre le cou de la politique israélienne sur les colonies.

Peut-être qu'une vraie crise point, surtout si les deux parties campent sur leurs positions. Pour le moment, Israël s'en sort beaucoup mieux, mais une fois encore, Washington n'est pas encore passé à l'action. Les Etats-Unis se sont limités à donner des claques. Ils commenceront à distribuer des coups de poing uniquement si c'est politiquement acceptable en politique intérieure. A voir de récents sondages à ce sujet, c'est loin d'être acquis, car si une grande majorité des Américains s'accorde sur le fait que la question israélo-palestinienne a un impact négatif sur l'image des Etats-Unis, des divisions fortes existent quant à savoir quel acteur privilégier et comment régler la situation.

1 commentaire:

Fabien a dit…

"La fuite la plus significative et qui a été très bien contenue émane de propos tenus par le général Petraeus".
Il semble bien que ce ne soit que du vent. Voyez plutôt :
http://philosemitismeblog.blogspot.com/2010/03/mensonge-le-general-david-petraeus-nest.html

"Il est déjà remarquable de constater que les Etats-Unis maintiennent une telle pression en privé, mais également publiquement".
Washington a publiquement démenti les informations de la BBC. Voyez plutôt :
"Le ministère américain des Affaires étrangères a également démenti les informations diffusées hier par la BBC"
http://ambafrance-il.org/spip.php?article7816

 

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