mardi 30 juin 2009

le "retrait" américain d'Irak: plus symbolique que significatif

Aujourd'hui, les forces américaines se retirent des grandes villes du pays pour laisser la sécurité aux mains des Irakiens. Ceci se déroule en conformité du Statute of Forces Agreement (SOFA) accepté en décembre dernier. Plusieurs questions se posent : que signifie vraiment ce retrait ? Les Américains laissent-ils les Irakiens livrés à leur destin ? Avec la résurgence de la violence dans certaines zones du pays, fallait-il se plier à cette date limite ou réviser le SOFA ? Un départ américain peut-il déclencher une hausse des violences inter-confessionnelles ?

Les questions sont très nombreuses et les avis divergent. Pour Stephen Walt et Marc Lynch, certes, les attentats, souvent très meurtriers, ont recommencé à frapper le pays, mais cela ne doit pas empêcher de suivre le calendrier prévu. Walt estime que les forces américaines ne sont pas adaptées pour répondre aux défis actuels et que les Irakiens sont mieux préparés pour y faire face, ne serait-ce que parce qu'ils sont Irakiens. Il reconnait qu'une hausse de la violence est probable, mais que cela ne s'arrangera de toute manière pas avec le temps. Lynch est sur la même longueur d'ondes. Il pense que c'est aux Irakiens de prendre en charge la sécurité de leur pays. Contrairement à son compère de blogs sur Foreign Policy, Lynch n'est pas certain que des violences inter-confessionnelles vont ensanglanter le pays, mais dans les tous les cas de figure, de nombreux défis seront à résoudre, comme la question des réfugiés.

Surtout, ce que Lynch explique, c'est que le 30 juin est plus symbolique que significatif. Cela fait plusieurs mois que les troupes américaines passent des commandements aux Irakiens, donc ce n'est pas un changement radical et soudain. Comme l'explique Stéphane Taillat sur l'Alliance Géostratégique, les Américains seront toujours présents pour conseiller les Irakiens via les Transition Task Forces, dont la mission sera de la supervision. En revanche, il est moins optimiste que Lynch sur la violence inter-confessionnelle. Pour lui, de nombreux problèmes demeurent. Chris Dierkes sur The New Atlanticist note que le débat rate le coche. "Ces types d'analyse sont tellement focalisées sur le côté américain au point d'en exclure les locaux(...). Tout est déterminé uniquement par ce que les Etats-Unis font", écrit-il. Dans un tel cadre, les Irakiens seraient passifs, ce qui n'est pas le cas.

Quant aux violences, il ne pense qu'elles seront importantes entre Sunnites et Chiites. Selon Dierkes, les Sunnites savent qu'ils ont perdu face aux Chiites ; certes, il y a aura quelques attaques pour essayer de grappiller quelques gains politiques, mais les jeux sont faits. Reste à voir quelle solution les Sunnites vont adopter. Ainsi, faut-il que les Etats-Unis laissent ce champ de côté pour se focaliser sur d'autres problèmes toujours d'actualité et notamment la division entre Chiites et Kurdes. Je pense que sa vision est un peu expéditive, tant les difficultés pour les Sunnites d'être intégrées dans les forces de l'ordre ou même pour que des leaders du Réveil sunnite soient reconnus comme des partenaires potentiels pour le gouvernement irakien, ce qui peut aisément être sources de tensions entre communautés.

Mais aussi bien le commandant en charge des troupes en Irak, le général Odierno, que le commandant de CENTCOM, le général Petraus, que le ministre de l'Intérieur irakien Jawad Al Bolani estiment que les troupes irakiennes sont capables de prendre la relève. Difficile de prédire ce qu'il en sera à ce niveau.

Est-ce que les Américains laissent une situation gérable aux Irakiens ? C'est une question bien épineuse, car elle demande à répondre à la question : le "surge" a-t-il politiquement fonctionné ? Je pense que le "surge" a été bénéfique pour réduire la violence et insuffler une dynamique positive dans la vie politique irakienne et c'était son objectif. Maintenant, en termes politiques, il n'a pas réduit les divisions inter-confessionnelles, qui sont encore très fortes, mais, ce n'était pas l'objectif du "surge", c'était une des possibles conséquences.

En tout cas, les néoconservateurs et anciens de l'administration Bush ne sont pas contents. L'ancien conseiller en sécurité nationale de Dick Cheney John Hannah estime dans le LA Times que Barack Obama a laissé tomber l'Irak, que l'objectif n'est plus la victoire, mais le retrait. Selon lui, l'administration Obama ne cherche plus à stabiliser le pays et à le rendre démocratique, mais à s'en aller le plus vite possible.

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