Depuis la guerre en Irak, l'Iran a renforcé sa position au Moyen Orient. En Irak, son influence peut parfois virer à l'ingérence. Elle est également très forte au Liban avec le Hezbollah. Qu'en est-il des pays du Golfe où les Chiites sont présents ? Au Bahreïn, ils sont majoritaires mais depuis toujours dirigés par la famille sunnite Al Khalifa. En Arabie Saoudite et au Koweït, ils représentent une importante minorité. L'Iran peut-elle utiliser ses populations pour faire avancer ses pions dans la région ? La réponse de Laurence Louër : non.
Dans un excellent article pour la revue de contre-terrorisme CTC Sentinel, la chercheur au CERI explique pourquoi l'influence de Téhéran dans le Golfe est limitée. La révolution iranienne de 1979 a stigmatisé l'opposition entre les deux principaux groupes chiites, tous deux originaires d'Irak. D'un côté, il y a Al Da'wa et de l'autre le Mouvement du message, mené par l'Ayatollah Mohammed al-Shirazi, qu'on appelle les Shiraziyeen. Dans les années 1960 et 1970, souvent pour des raisons politiques, ils se sont étendus ou exilés dans les pays du Golfe. Selon Louër, leurs différences idéologiques sont mineures, tout se joue sur la puissance politique.
Avec la révolution de 1979, leur opposition a pris un autre accent. Dans un premier temps, les deux groupes cherchaient à se positionner en faveur de Téhéran et de profiter de la nouvelle influence iranienne pour prendre eux-mêmes de l'importance dans leur pays respectif. Cela coïncidait avec la volonté iranienne d'exporter la révolution et de soutenir les mouvements chiites. Dans un second temps, les Shiraziyeen se sont distancés de l'Iran. Ils ont critiqué la violence du régime et Shirazi a mis au défi la légitimité religieuse de Khomeini puis de Khamenei, remettant ainsi en cause le principe de wilayat al-faqih, qui implique que l'Ayatollah iranien est le chef religieux des Chiites. Cette étape va donc créer un fossé entre les Shiraziyeen et l'Iran de manière durable. De son côté, Al Da'wa va continuer sa politique de soutien à l'Iran.
Que ce soit au Bahreïn, au Koweït ou en Arabie Saoudite, les Shiraziyeen vont beaucoup mieux s'organiser que Al Da'wa, au point même qu'en Arabie Saoudite, l'influence de ces derniers est quasi nulle. Les Shiraziyeen veulent clairement marquer qu'ils ne sont pas des pions de Téhéran et il semble acquis que l'Iran n'a pas d'influence sur eux. Cela est renforcé par le fait qu'au niveau local, les Shiraziyeen ont obtenu des avancées politiques sans le soutien de Téhéran. En effet, ils sont tous représentés et plus ou moins acceptés politiquement, l'Arabie Saoudite demeure le plus problématique. Leur liberté de culte est tolérée, notamment au Bahreïn, mais cela depuis la création de l'Etat au XVIIIe siècle.
Louër indique toutefois que l'Iran reste très présente dans le schéma des deux côtés. Pour les Shiraziyeen, ils ont utilisé la menace iranienne depuis 2003 pour dire que le meilleur moyen de la contenir était de donner plus de libertés et de droits aux Chiites. Du côté des régimes sunnites, ils cherchent à contenir l'influence iranienne en donnant plus de droits et de libertés aux minorités chiites. Il est toutefois peu probable que ce chemin continue jusqu'à une égalité complète entre Sunnites et Chiites dans ces pays, mais il est tout autant improbable que les Shiraziyeen en viennent à embrasser l'influence iranienne.
dimanche 31 mai 2009
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