lundi 30 mars 2009

Les suites de l'histoire sans fin des caricatures de Muhammad

Troublant est l'adjectif qui me vient à l'esprit. Le mandat de Secrétaire général de l'OTAN de Jaap de Hoop Scheffer prend fin en juillet. Alors que les principaux membres soutiennent la candidature de Anders Fogh Rasmussen, la Turquie reste dans l'incertitude après les propos de son Premier ministre.

Vendredi dernier, Recep Tayyip Erdogan a fait publiquement part de son opposition à la candidature du Premier ministre danois Rasmussen au poste de Secrétaire général de l'OTAN suite à l'affaire des caricatures du prophète en 2005. "Une réaction très grave a émergé des pays à composante musulmane pendant la crise des caricatures", a-t-il affirmé dans une interview sur la chaîne turque NTV. "Maintenant, ces pays commencent à nous appeler et à nous demander de ne pas autoriser [cette candidature]". Erdogan accuse Rasmussen d'avoir été incapable de gérer la situation lors des faits.

Se rajoute dessus le fait que le sol danois accueille depuis quatre ans une chaîne pro-PKK, Roj TV, que les autorités danoises n'ont pas interdite malgré les demandes insistantes d'Ankara. Autre motif de discorde donc. La coïncidence serait énorme. Copenhague a envoyé deux représentants danois à Ankara pour discuter de la fermeture de la chaîne avec des représentants du gouvernement turc. Jusqu'à présent, le Danemark s'était opposé à une telle décision prônant la liberté d'expression.

L'élection du nouveau Secrétaire général se fait à l'unanimité, donc un véto turc pourrait compromettre la nomination de Rasmussen, soutenu notamment par les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Les différends d'Erdogan à l'égard du candidat peuvent-ils se conclure par un vote sanction ?
"En tant que dirigeant d'un parti, je ne peux contredire les principes de mon parti", a affirmé Erdogan. "Vous pouvez imaginer ce que cela pourrait dire." Dans un entretien téléphonique avec Rasmussen, le dirigeant turc lui aurait ainsi déclaré que "nous ne voulons pas que l'OTAN soit rongé, et nous ne pensons pas qu'il soit juste que vous, en tant que Premier ministre, soyez rongé dans le processus".

Depuis son coup de gueule contre Shimon Peres au sommet de Davos fin janvier, Erdogan est devenu un personnage adulé par les populations musulmanes et a mis la Turquie sur la voie d'une position dominante au Moyen Orient. Cette prise de position publique contre Rasmussen pourrait donc s'inscrire dans cette nouvelle tendance.

D'autant plus que le Président turque Abdallah Gül, lui, ne s'oppose pas à la candidature du Premier ministre danois. En effet, il a déclaré que Rasmussen "était un des meilleurs Premiers ministres d'Europe". Vendredi, quelques heures avant l'interview d'Erdogan, Gül avait avancé le fait qu'il n'y avait aucune raison de considérer des facteurs religieux dans la nomination du prochain leader de l'OTAN. Opposition étonnante quand on sait que Gül a eu beaucoup de difficultés à se faire élire au regard de sa posture jugée trop musulmane par les cercles laïcs turcs.

Dimanche, après avoir voté pour les élections municipales, le Président turc a réitéré sa position et a affirmé qu'il "n'y a qu'un seul point de vue turc et que mon point de vue est ce point de vue". Cela étant, il n'a pas formellement endossé la candidature de Rasmussen.
Le Premier ministre danois se rendra à Istanbul les 6 et 7 avril prochain pour un sommet organisé par l'ONU dans le cadre du programme de l'Alliance des Civilisations. Nul doute que ce sujet sera abordé.

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