Les relations libano-syriennes incarnent parfaitement ce que le Général de Gaulle appelait fameusement "l'Orient compliqué". Voisins et intrinsèquement liés par des attaches familiales, culturelles et historiques, les deux pays n'ont cessé de traverser des périodes de discorde, une relation que Joseph Bahout, spécialiste du Liban, qualifie de "divorce permanent". Les relations entre les deux pays sont aujourd'hui en voie d'amélioration, notamment depuis que Beyrouth et Damas se sont mis d'accord, sous tutelle française, pour ouvrir des ambassades, étape indispensable pour l'ouverture des relations diplomatiques normalisées entre les deux pays. Dans ce contexte, le site Internet libanais d'information Ya Libnan revient en dix points sur les relations libano-syriennes depuis la création des deux pays.
1. Les deux pays étaient sous mandat français. En 1943, le Liban obtient son indépendance ; la Syrie devient complètement indépendante en 1946. Mais, une dispute divisait déjà les deux pays, qui n'ont depuis jamais eu de relations diplomatiques officielles normales. En Syrie, le Liban était perçu comme partie intégrante de la Grande Syrie ; de plus, il y avait dans la période post-coloniale une prééminence d'une idéologie pan-arabe de ne pas diviser les pays arabes par des frontières. Au Liban, une poussée de nationalisme défendait coûte que coûte l'indépendance libanaise.
2. En 1976, les troupes syriennes rentrent au Liban sous les auspices des forces libanaises chrétiennes en état de faiblesse dans la guerre civile.
3. A la suite des accords de Taef en 1990, la présence syrienne est légitimée et 30000 troupes restent en territoire libanais, accompagnées d'agents des services de renseignements.
4. La Syrie ne montre aucun signe d'une volonté de retrait et domine le Liban militairement et politiquement. Seuls les hommes politiques soutenus par les Syriens pouvaient obtenir des hauts postes à responsabilité.
5. Pendant cette période, les relations diplomatiques n'étaient toujours pas normalisées. Les Syriens et les Libanais, ainsi que tous les autres Arabes pouvaient entrer et sortir du Liban sans visa.
6. Le tournant majeur de ces dernières années intervient le 14 février 2005, quand le premier ministre Rafic Hariri, très populaire et devenu anti-syrien, se fait assassiner. Une large frange de la population (principalement non-chiite, il faut le dire) est persuadée que les Syriens sont à l'origine de cet attentat.
7. Depuis le retrait israélien en 2000, un fort sentiment anti-syrien a animé la population libanaise, les Syriens étant désormais les dernières troupes étrangères au Liban. Les Etats-Unis ont fortement soutenu ce mouvement. Ya Libnan souligne que cela contraste avec la décennie précédente, où les Américains (et je me permets d'ajouter les Français) laissaient faire les Syriens, peut-être en raison du soutien syrien à la Guerre du Golfe en 1990.
8. A la suite de la résolution onusienne 1559, la Syrie est sommée de quitter le Liban. L'acte stipule également l'établissement de relations diplomatiques. En vain.
9. En mai de cette année, l'accord de Doha enterre la hache de guerre entre les différents mouvements politiques libanais pour voir l'émergence d'un président. Ya Libnan considère que cet accord offre au Hezbollah, soutenu par la Syrie, une nouvelle force politique, concluant que "l'étoile de la Syrie semble monter de nouveau au Liban".
10. La Syrie semble embarquer dans un effort de redorer son blason. Des négociations indirectes existent avec Israël via la Turquie. Sous la dynamique française, le Liban et la Syrie ont signé un accord le 15 octobre instaurant l'ouverture d'ambassades dans les deux pays.
A suivre...
P.S.: Ya Libnan fait référence à un incident qui aurait eu lieu avant le 15 octobre d'une forte présence militaire syrienne à la frontière libanaise. Cet évènement a été rapporté par DEBKAfile, dont les informations ne sont pas toujours très fiables (cf. précédent post à ce sujet).