dimanche 26 octobre 2008

En Iran, Khamenei tire les ficelles

Ayatollah Ali Khamenei

Akbar Ganji le rappelle dans un article publié dans le nouveau numéro de Foreign Affairs, Mahmoud Ahmadinejad n'est pas l'épicentre du pouvoir iranien. Cet opposant au régime articule sa pensée autour de l'Ayatollah Ali Khamenei, parce que c'est lui le véritable preneur de décisions. L'article que l'on retrouve dans la revue est une traduction du farsi d'un article écrit en février, mais sa pertinence demeure tout à fait saillante (Foreign Affairs ne l'aurait pas publié autrement).

L'objectif de Ganji est de mettre à mal l'idée trop répandue que si Ahmadinejad était amené à perdre les élections présidentielles en 2009, l'Iran s'orienterait dans une nouvelle direction. "Malgré toute l'attention qu'il reçoit, Ahmadinejad ne fait même pas partie des 100 plus grands dirigeants iraniens de ces trente dernières années", écrit Ganji. "Khamenei soutient Ahmadinejad considérablement plus que n'importe lequel de ses prédécesseurs, mais Ahmadinejad est aussi puissant qu'il est dévoué à Khamenei et qu'il parvient à mettre en oeuvre ses objectifs." L'auteur rappelle de plus que Khatami, que beaucoup d'analystes voyaient comme un réformateur, avait été impuissant à changer le pays parce que, selon les termes de Khatami, le président n'était guère plus qu'un "serviteur".

L'autorité de Khamenei est plénipotentiaire. Il est "le chef d'Etat, le commandat en chef des armées et le plus haut dignitaire religieux" ; il a la main mise sur toutes les institutions politiques, économiques, sociales, culturelles et religieuses du pays. Donc, Ahmadinejad se trouverait bien en peine de contredire le guide suprême. Pour Ganji, la situation iranienne est une forme de sultanisme au sens wébérien du terme, c'est-à-dire que l'autorité est laissée à la seule discrétion du dirigeant, qui étend son pouvoir en utilisant les différentes institutions.

Il est vrai, reconnaît l'auteur, que l'Iran d'aujourd'hui n'est plus l'Iran de 1980, mais toutes les évolutions sont bien encadrées pour éviter tout écart malheureux.

Une des principales et véritablement importantes évolutions depuis la Révolution de 1979 se trouve chez les gardiens de la Révolution. Sous la tutelle de Khamenei, qui était le représentant de l'Ayatollah Khomeini au ministère de la Défense dans le gouvernement de transition en 1979, ils ont gagné en pouvoir et ont voix au chapitre quand on parle de politique en Iran. Ahmadinejad a confirmé cette inflexion, plusieurs de ces ministres en sont issus.

Pour comprendre la politique nucléaire et étrangère de l'Iran, Akbar Ganji insiste de nouveau sur la prééminence de Khamenei. En politique étrangère, l'opposition entre Téhéran et Washington n'est pas nouvelle et Khamenei ne fait que poursuivre la ligne iranienne, tandis que le résident du Bureau oval en fait autant de son côté. Mais, les portes ne sont pas fermées. Quand chacun trouvera son avantage - reste à le définir - des négociations se tiendront. De même, les ambitions américaines et iraniennes s'opposent au Moyen Orient. Washington veut être une force importante et vient donc en opposition frontale avec les ambitions de Téhéran d'être la plus grande puissance de la région.

Sur la politique nucléaire, c'est encore plus évident. En 2004, l'Iran a suspendu son enrichissement sur ordre de Khamenei, mais l'auteur s'appuie sur des discours publics du guide suprême affirmant que c'était un acte que l'Iran s'emploiera à ne jamais réitérer, car cela n'a servi à rien et allait à l'encontre du droit iranien à obtenir le nucléaire. Ahmadinejad, comme ses prédécesseurs mais encore plus distinctement, ne fait qu'appliquer la politique du guide suprême.

Peu d'évolutions sont à envisager, si Khamenei reste "le sultan" qu'il est en Iran. Des réformes ne se feront que quand les réformateurs auront trouvé suffisamment de latitude au sein du système pour en modifier certains aspects. Il est important également, souligne l'auteur, que les Etats-Unis changent de politique : démanteler le programme nucléaire iranien et maintenir la sécurité d'Israël ne vont pas dans le sens des promoteurs de la démocratie et des droits de l'homme en Iran. "Ces propos et plus généralement la politique iranienne de l'administration Bush n'ont fait que renforcer le pouvoir du Sultan Khamenei et rendre la transition iranienne vers la démocratie encore plus difficile."
 

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