Dans l'édition de juillet du The Journal of Democracy, Tamara Cofman Wittes, chercheuse au think tank Brookings Institution, énonce trois types d'islamisme. Elle se positionne sur l'idée que le terme "islamisme" est aujourd'hui galvaudé, car utilisé indifféremment pour des groupes radicalement différents. Islamisme, ici, signifie l'utilisation de l'islam à des fins politiques.
Elle dénonce la distinction actuelle entre "radicaux" et "modérés". Pour Cofman Wittes, ce n'est pas suffisamment précis. Elle propose une classification en trois niveaux. Ce qu'elle recherche est de savoir lesquels sont potentiellement enclins à embrasser la démocratie. Il y a en premier les "takfiri". Ce sont les plus radicaux et les plus anti-démocratiques. Le principe de "takfir" est de déclarer tout non-musulman ou mauvais musulman un apostate. Pratique utilisée par Al Qaïda et ses affiliés. Le seul objectif est un "Etat pan-islamique", qui conduit à une opposition frontale avec la démocratie, car elle violerait la souveraineté divine.
Le second est composé de militants islamistes "locaux" ou "nationalistes", tels que le Hezbollah, le Hamas et les groupes chiites en Irak. Ils combinent l'idéologie islamiste avec les demandes politiques. Selon l'auteur de l'article, ils ne peuvent exister que dans des "Etats faibles ou banqueroute", car le gouvernement n'a pas les capacités pour les empêcher d'agir. Elle estime toutefois que la participation de ces groupes aux élections est le synonyme que le processus politique "devient une norme pour les citoyens arabes". Elle reconnaît que ce type est problématique, car peut-être utilisent-t-ils les urnes pour remettre en place un Etat religieux. Tout aussi dérangeant, très peu de ces groupes sont prêts à rendre leurs armes et n'hésitent pas à brandir la menace armée. "Tant que les Libans de la région demeurent trop faibles pour contrôler leurs Hezbollahs, il y a peu d'espoir que s'épanouissent de pleines démocraties ou des systèmes d'égalité devant la loi", écrit la chercheuse.
Le troisième est islamiste, mais a renoncé à la violence - du moins localement - et aspire à une rôle politique. Certains sont légaux, tels que le Front d'Action Islamique en Jordanie ; d'autres sont interdits, à l'instar des Frères Musulmans en Egypte. Leur position sur la violence reste ambigüe. Ils ne la pratiquent pas, mais se félicitent d'actions contre Israël ou contre les Américains en Irak.
Comment juger pour autant de leur sincérité à l'égard de la démocratie alors qu'ils n'ont jamais été au pouvoir ? Cofman Wittes indique trois critères : leur attitude à l'égard des minorités ; du pluralisme politique et du pouvoir de l'autorité religieuse dans le processus démocratique.
La résidente du Brookings Institution admet que certaines de ces questions sont difficiles à répondre et que la modération d'un groupe peut demeurer incertaine, car ils sont souvent secrets. Elle pense qu'une autre possibilité peut être d'analyser à quel point l'organisation est démocratique en son sein, "tout en considérant le degré de liberté politique dans la société". C'est en effet important, car tant qu'un groupe islamiste est perçu comme la seule alternative crédible au pouvoir en place, il n'est pas mis en défaut par d'autres groupes d'opposition et n'est donc pas poussé à se réformer.
Elle termine en recommandant deux étapes nécessaires pour pouvoir mieux évaluer les groupes islamistes : plus de débats publics sur des questions politiques et moins de restrictions pour la formation d'association et de parti politiques. C'est essentiel, estime-t-elle, car à terme "si un système parlementaire dans lequel des Islamistes non-violents participent est perçu comme une vitrine cachant une autocratie plutôt qu'une réelle opportunité d'influer sur le gouvernement, le mécontentement ira ailleurs".
lundi 4 août 2008
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