Dans le nouveau numéro de la revue Foreign Affairs, Stephen Biddle, du Council on Foreign Relations, Kenneth Pollack et Michael O'Hanlon, tous deux du Saban Center on Middle East Policy au Brookings Institution, reviennent tout d'abord sur les récents progrès politiques et sécuritaires depuis le "surge". La liste est assez longue, mais ils reconnaissent que "pour le moment, il y a plus de potentiel que de réalisation". Toutefois, ils estiment que "les récents changements dans les dynamiques militaires et politiques en Irak ont au moins rompu le schéma de dysfonctionnement politique qui a paralysé l'Irak ces dernières années".
Là où certains experts appellent en conséquence à un retrait des troupes, les auteurs vont à contre-courant. La menace d'un retrait "a plus de chance de faire dérailler les progrès". De très lourds compromis sont exigés des différentes factions irakiennes et il faut un effort simultané pour que le processus se déroule sans encombre. Le problème étant qu'un retrait pourrait précipiter les différents groupes à négocier trop rapidement et a ressuscité les rivalités et les affrontements sectaires actuellement en forte baisse.
Les trois chercheurs jugent qu'il faut désormais s'attaquer aux problèmes "de second rang", autrement dit ceux qui dérivent des problèmes majeurs :
* l'intégration des Fils d'Irak, sunnites, dans l'armée et le gouvernement, majoritairement chiites : les Etats-Unis doivent assurer que le leadership irakien tienne ses promesses pour assurer les cessez-le-feu en place jusqu'à ce que les Fils d'Irak fassent confiance à l'armée.
* le retour des réfugiés et des populations déplacées : la baisse des affrontements a conduit de nombreux réfugiés à revenir au pays, mais les logements d'origine sont généralement détruits ou occupés par d'autres réfugiés ou déplacés. Il faut donc mettre en place un large programme de relogement, qui pourrait dans le même temps faire baisser le chômage grâce aux chantiers générés.
* la création d'un système électronique pour les banques permettant un meilleur transfert des fonds du gouvernement central vers les provinces.
* le renforcement de la crédibilité des administrations publiques : les Etats-Unis ont réorienté leur priorité vers les instances provinciales, jugées plus aptes à assurer les services essentiels que le gouvernement central.
* la question de Kirkouk : redonner la ville aux Kurdes, mais assurer que les profits du pétrole soient redistribués dans tout le pays.
Dans le même temps, les Américains doivent empêcher tout coup d'Etat militaire, ce qu'une armée irakienne renforcée pourrait être amenée à envisager. Et empêcher également qu'une "clique de politiques alliée avec les services de sécurité ne s'emparent du pouvoir de l'intérieur, amassent les richesses pétrolières et laissent le reste du pays au crime organisé".
Pour faciliter ces projets, il est nécessaire, estiment les auteurs, que les Etats-Unis travaillent avec l'Iran pour que Téhéran devienne un partenaire dans la reconstruction plutôt qu'une force de déstabilisation.
Quid d'un retrait ? Les auteurs se refusent à dresser un plan de retrait précis, car trop de paramètres imprévisibles sont à prendre en compte si les Américains veulent laisser un Irak stabilisé. Si les efforts se poursuivent et que la situation s'améliore clairement, un retrait massif pour 2010-2011 est envisageable :
Si les Etats-Unis peuvent maintenir une force substantielle en Irak pendant la période critique des deux ou trois prochaines années, il y a désormais de quoi croire que des retraits massifs puissent se faire grâce à des succès plutôt que mandatés par des échecs.
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