jeudi 3 juillet 2008

Les salafistes sur le devant de la scène

Khalil Al-Anani profite d'une tribune tout ce qu'il y a de plus académique pour tirer une sonnette d'alarme : la montée du salafisme dans le monde arabe est dangereuse. Ce chercheur au Brookings Institution a publié un commentaire dans l'hebdo anglophone Al Ahram Weekly en Egypte. Il inclut dans les salafistes les branches les plus conservatrices des Frères Musulmans en Jordanie comme en Egypte, le Hamas et les nouveaux élus koweitiens suite aux récentes élections. Les groupes les plus proches de l'actualité.

Ce qui le dérange n'est pas tant l'expansion du discours salafiste que l'idéologie même de la doctrine religieuse. Il indique trois raisons pour justifier des dangers du salafisme. Ce dernier impose une forme d'isolation au sein de la société arabe ; en effet, ses partisans débattent plus sur l'après-vie que sur les problèmes sociaux actuels. Ensuite, Al-Anani estime que le salafisme "est politiquement 'anti-social', car ses supporters se désintéressent souvent d'un quelconque engagement politique". Pour répondre aux enjeux actuels, les salafistes "trouvent des interprétations 'mystiques' pour les conditions sociales et économiques qui se détériorent dans le monde arabe". La troisième raison, c'est une question d'ordre culturel, le manichéisme à son apogée. "En fonctionnant ainsi, ils finissent par aliéner toute personne d'une autre croyance ou d'un autre avis", écrit-il.

Deux raisons justifient un regain de forme du salafisme. Tout d'abord la persistance de l'autoritarisme des régimes arabes, et plus particulièrement leur traitement répressif des groupes islamistes modérés. Par conséquent, les groupes dits modérés "se marginalisent, aussi bien intellectuellement que dans la manière de s'organiser, et ils semblent avoir perdu tout espoir de regagner de l'influence".

Ensuite, les régimes arabes tolèrent la mouvance salafiste. Ils voient dans ces groupes un moyen de contrer l'influence d'organisations plus modérés ; l'auteur citant l'Egypte, la Jordanie et le Koweit comme exemple. Selon lui, le peu d'engagement politique de ces groupes rend doublement service au pouvoir : ils contrebalancent la place des modérés et ne menacent pas le gouvernement.

Ce qu'il y a de plus à craindre, estime Al-Anani, c'est le potentiel cocktail Molotov qu'un regain de la mouvance salafiste implique. "Les salafistes sont attachés à aliéner tous les autres groupes politiques et religieux" et si cela devait arriver, un mélange détonant d'interprétations littérales du Coran et "le zèle militant de groupes djihadistes bien organisés" pourrait être catastrophique.

Difficile d'expliquer véritablement la source de désaffection des groupes politiques et religieux modérés, conclut le chercheur, mais en tout cas, "soit ils se reconnectent à la population, soit ils ne deviennent plus pertinents du tout".

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