jeudi 12 mai 2011

Les 15 minutes de gloire de la Turquie dans le monde arabe

Mon collègue, Sinan Ülgen, a publié un long papier sur la politique étrangère de la Turquie en décembre en se posant cette question à savoir si ce n'était que quinze minutes de gloire, autrement dit, une influence éphémère ou bien un véritable changement dans la balance des puissances. La seule réponse qu'il indiquait était celle que le moment turc ne pouvait se poursuivre que si la Turquie mettait en place un certain nombre de réformes dans sa diplomatie, notamment promouvoir la démocratie.

Le "Printemps arabe" semblait offrir une excellente opportunité pour la Turquie d'asseoir son influence régionale. Les articles, analyses et autres tribunes décortiquant le modèle turc comme la voie à envisager pleuvaient. D'ailleurs, un sondage de l'institut turc Tesev paru début février venait corroborer l'idée que la Turquie était perçue comme un modèle au Moyen Orient. En effet, lors d'une enquête réalisée en 2010 dans plusieurs pays de la région, 66% des interrogés affirmaient que la Turquie pouvait être un modèle.

Dans la redistribution des pions d'influence, la Turquie était donc très bien placée pour remporter le gros lot. Les Etats-Unis et l'Union Européenne peinaient à prendre position, préférant laisser faire et arrondir les angles plutôt que d'interférer. L'Iran était tiraillée entre un discours extérieur vindicatif à l'encontre des régimes autoritaires de la région et une violente répression de ses propres manifestations dans le pays. La politique turque aux contours mignonnets du "zéro ennemi" semblait séduire, au point que l'Egypte s'en inspire.

Pourtant, en quelques semaines, le paysage a changé, comme l'indique Steven Cook dans une récente analyse pour Foreign Policy. Si elle a su bien manœuvrer avec la Tunisie et l'Egypte, ses prises de position sont devenues très problématiques sur la Libye et davantage encore sur la Syrie. Elle s'est d'abord opposée à l'intervention en Libye avant de finalement se rétracter d'une manière bien hasardeuse et d'essayer de mettre en avant sa feuille de route pour une transition réussie. Les relations entre la Turquie et la Libye sont très bonnes et il est toujours difficile de rompre les liens dans ce cas (le gouvernement italien se reconnaîtra dans cette analyse). Sur la Syrie, la Turquie marche sur des œufs. Alors qu'Américains et Européens condamnent fermement et sanctionnent les violentes répressions de l'armée syrienne, la Turquie est bien timide dans ses réactions.

Il est encore trop tôt pour affirmer que la Turquie a perdu un terrain qu'elle ne pourra guère récupérer par la suite quand le TGV d'événements aura ralenti. Le nouveau système diplomatique turc semble suffisamment bien implanté, autant la politique du "zéro ennemi" que sa capacité de "soft power", pour être capable d'asseoir son influence dans la région.

A suivre.

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