mardi 26 avril 2011

La révolte en Syrie : inquiétante dynamique et moyens d'action réduits



Le régime syrien a donc décidé d'emprunter la voie de la force militaire pour mater la révolte. La révolte est problématique à plusieurs égards. Tout d'abord, elle n'est pas extrêmement visible. Ensuite, la question confessionnelle reste ouverte. Enfin, les pays occidentaux ne peuvent guère que taper du poing en espérant que les vibrations soient perçues en Syrie.

La révolte syrienne est finalement peu visible, car les manifestations n'ont majoritairement pas lieu à Damas, sont éclatés dans le pays, même si l'épicentre est Dera'a. Comme l'explique Ammal Abdulhamid sur la vidéo, la tactique maintenant est de faire grossir les manifestations à Homs dans l'espoir que ce soit le départ d'une propagation de grande envergure dans le pays. En outre, les correspondants sur place sont très rares, l'information est bien filtrée et les seuls témoignages obtenus émanent de témoins sur place dont la crédibilité certes est difficile à mettre en doute en raison des vidéos qui émergent sur Internet mais dont on ne connaît pas le degré de véracité, et des ONG qui, souvent, n'ont plus de pied à terre en Syrie. Bref, il est difficile d'obtenir des informations fiables. Néanmoins, le degré de médiatisation est beaucoup plus important que pour le Bahreïn par exemple, mais bien moins que la Libye, l'Egypte, la Tunisie ou le Yémen.


Source : senat.fr                                 
La Syrie n'est ni l'Iraq, ni le Liban en termes de diversités confessionnelles, mais connaît d'importantes divisions. Les musulmans sunnites constituent près de 75% de la population, les Alawites environ 10%, les Chrétiens près de 10% et les Druzes environ 1,5%. La population elle-même offre un important panel de minorités. Si les Arabes représentent un peu plus de 90%, le reste est réparti entre Kurdes, Arméniens, Turcomans et Assyro-chaldéens. Dans un récent post pour Syria Comment, un Syrien décrivait grossièrement les divisions qui existaient quant à la perception des révoltes. Les Chrétiens et les Alawites auront plus tendance à soutenir le régime que les Sunnites. N'oublions pas non plus l'élément socio-économique. La division confessionnelle est suffisamment marquée pour que la question soit soulevée et le débat lancé. L'incertitude demeure en effet quant à savoir quelle situation pourrait émerger dans le cas où le régime tombait. Je ne m'aviserai pas à donner mon avis, mais cet élément ne doit pas être écarté trop vite, car la question confessionnelle est bien réelle en Syrie.

Dernier point, cette révolte a lieu dans un pays où les pays occidentaux ont peu d'accroches et où leur marge de manœuvre est très réduite. Nombreux sont ceux qui critiquent les positions trop attentistes des Etats-Unis et de l'Union Européenne. Pour le moment, Américains et Européens s'en sont tenus à des déclarations et à des menaces de sanctions. Plusieurs pays européens, dont la France, ont appelé le Conseil de sécurité à condamner les répressions en Syrie. Toutefois, les pays occidentaux ne peuvent guère faire plus.

La Syrie est déjà sous un régime de sanctions américaines depuis 2004, ce qui limite l'action possible pour Washington. L'UE parle très peu de sanctions, mais on peut envisager que la récentes escalade de violence débouche sur des sanctions ciblées - plus symboliques qu'efficaces. En prenant les récents exemples de sanctions appliquées par l'UE, la Biélorussie est sous régime de sanctions contre des personnes et des entreprises. L'UE a également approuvé le gel des avoirs d'anciens leaders égyptiens et tunisiens. Des dirigeants syriens devraient connaître le même sort, bien que le débat soit plus compliqué. Tout d'abord, les leaders en question sont encore en place, contrairement aux deux autres pays méditerranéens cités. Ensuite, la Syrie n'a pas le même poids géopolitique que la Biélorussie. Enfin, les relations entre la Syrie et l'UE commençaient à prendre forme - alors qu'elles étaient frigides avec Minsk.

Par ailleurs, il est absolument impensable qu'une action militaire soit autorisée en Syrie. Il a déjà été difficile de mettre en place un zone d'exclusion aérienne en Libye, ce serait encore plus délicat pour la Syrie d'envisager une action de quelconque nature. De plus, l'envie et surtout les capacités n'y sont pas.

Le seul levier d'action pour l'UE serait sur le plan économique. L'UE est en effet le principal partenaire économique de la Syrie, représentant près de 45% de ses exportations. Des sanctions économiques pourraient donc être problématiques pour Damas. Toutefois, il est bien difficile d'en estimer l'impact réel et surtout l'UE, au même titre que les Etats-Unis, étaient dans une phase de réchauffement des relations, des efforts que des sanctions économiques saperaient. La question centrale est de fait toujours la même pour l'UE et aujourd'hui plus que jamais : dans notre voisinage, doit-on faire primer les intérêts politiques et économiques ou notre objectif de démocratie, des droits de l'homme et des "quatre libertés" ? Au regard des dernières déclarations en provenance de Bruxelles et des différentes capitales, la seconde option est privilégiée, du moins pour certains pays. Qu'en sera-t-il de la Syrie ?

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