Pendant les révoltes tunisienne et égyptienne, la Ligue arabe était restée silencieuse, complètement absente de la scène. Bizarrement, cela ne semblait pas choquer grand monde. L'organisation reste également muette sur les événements en Algérie, au Bahreïn, en Jordanie, au Maroc et au Yémen. Il est alors presque surprenant qu'hier, lors d'une réunion exceptionnelle, les membres de l'organisation régionale aient décidé de condamner la Libye pour les répressions menées à l'encontre de la population. Certes, Muammar Qadhafi a poussé à l'extrême la situation facilitant la tâche aux dirigeants arabes, mais n'assiste-t-on pas à un cas de double standard ? Ou tout simplement à la poursuite d'une querelle intra-arabe, Qadhafi ayant toujours entretenu des relations houleuses avec ses voisins ?
Il est évident que l'hypocrisie est flagrante. Pas un mot sur les répressions menées à l'encontre des manifestants dans les autres pays. C'était attendu. Après tout, pourquoi les dirigeants arabes se critiqueraient-ils entre eux, alors même qu'ils ont actuellement tous recours aux mêmes moyens de répression ou sont prêts à y recourir si des révoltes émergent ? Par ailleurs, l'efficacité de la Ligue arabe comme organisation régionale puissante est évidemment très discutable.
Néanmoins, il semblait fort difficile pour les dirigeants de laisser le dirigeant libyen agir en toute impunité. Si les forces de police ont été mobilisées dans de nombreux pays pour endiguer les manifestations, aucun pays n'en est arrivé à larguer des bombes. A la lecture du communiqué de la Ligue arabe, on peut toutefois observer quelques flagrants exemples de double standard. Par exemple, les dirigeants arabes appellent Qadhafi à lever l'interdiction d'utiliser les moyens de communication. L'Egypte et la Syrie, entre autres, n'ont-elles pas appliqué des mesures similaires sans que cela ne crée d'émoi chez leurs voisins ?
Les raisons de la condamnation de la Ligue arabe se trouvent en réalité ailleurs. Si la Libye a été un paria pour l'Occident pendant de très longues années, les relations entre Tripoli et ses voisins arabes ont été également houleuses. Il faut se souvenir que la Libye s'est opposée à la Tunisie et à l'Algérie dans des disputes territoriales. Rappelons également la guerre égypto-libyenne de 1977. Alors que la Libye était sous embargo international et soumis à un régime de sanctions de l'ONU pendant les années 1990 à la suite d'attentats terroristes à la fin des années 1980, la Ligue arabe n'a jamais fait pression pour la levée de ces sanctions. A plusieurs reprises, le colonel libyen avait même menacé de se retirer de l'organisation.
Par ailleurs, Qadhafi s'est souvent montré très critique à l'égard de ses voisins et de la Ligue arabe pour son manque d'implication dans la résolution du dossier israélo-palestinien et, depuis 2003, pour n'avoir pas été plus engagée contre la guerre en Iraq. A titre d'exemple, en 2008, lors du sommet de Damas, son ton était acerbe. "Comment peut-on obtenir [l'unité arabe] ? Nous nous détestons et nos services de renseignements conspirent les uns contre les autres. Nous sommes notre propre ennemi", avait-il déclaré.
La Libye est donc le mouton noir de la Ligue arabe, le mauvais élève qu'il est aisé de punir. Punir, certes, mais de quelle manière ? Une intervention de l'organisation pour venir à bout de la politique de répression massive lancée par le dirigeant libyen serait la bienvenue. Néanmoins, il ne faut pas attendre de grandes actions en provenance du Caire. La Ligue arabe a suspendu toute participation libyenne aux activités de l'organisation. Une telle décision n'a qu'une portée symbolique, mais représente probablement la décision la plus forte qu'elle puisse prendre. L'organisation arabe n'a pas de levier de pression réel. Etre membre de la Ligue arabe ne permet pas la participation à un marché commun, à une zone de libre circulation des biens et des hommes, l'accès à des fonds supranationaux ou autres. Son pouvoir de médiation n'a en outre jamais été déterminant dans les résolutions de crise ou de conflit.
Toutefois, il ne faut pas négliger son engagement. La Libye étant membre de la Ligue arabe depuis 1956, l'organisation connaît bien le pays et de fait ses dirigeants. Dans les conditions actuelles, il semble certes difficile d'avoir un accès privilégié à Qadhafi, mais une pression arabe, quelque soit sa forme ou sa portée réelle, ne peut qu'être une voix supplémentaire pour lutter contre les répressions actuelles. Ne soyons toutefois pas naïfs, il serait illusoire d'attendre de la Ligue arabe qu'elle appelle Qadhafi à renoncer au pouvoir, ce serait se tirer une balle dans le pied.
jeudi 24 février 2011
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