lundi 28 février 2011

Eviter le populisme économique en Egypte

Michele Dunne, de la Carnegie, a publié un article extrêmement intéressant sur l'évolution de la politique économique en Egypte. Elle explique que le seul point potentiellement positif de la présidence Moubarak a été les réformes économiques enclenchées. Malheureusement, le manque de réformes politiques a desservi l'ouverture de l'économie. Dans un pays embourbé dans la corruption et les manœuvres en tous genres, les réformes n'ont donc profité qu'à une minorité d'élites dirigeantes. La population, elle, n'a pas vu la couleur de l'argent, n'a pas bénéficié des investissements étrangers. Néanmoins, les demandes du peuple ne doivent pas générer l'avènement d'une politique économique populiste et contre-productive.

Dans une remarquable analyse, David Lynch de Business Week revient sur les tentatives de réformes, mais qui sont souvent restées insuffisantes. En effet, toute chose égale par ailleurs, le Vietnam a considérablement mieux embrassé son ouverture économique que l'Egypte. On peut chercher nombre d'explications, mais fort est de constater que 12% du PIB égyptien émanent de subsides et autres taxes, ce qui n'incite pas à accélérer les réformes : 5 milliards de dollars des taxes de passage au canal de Suez ; 1,5 milliard des Etats-Unis ; 8 milliards en provenance des Egyptiens travaillant pour les compagnies pétrolières dans le Golfe ; et environ 9 milliards récupérés grâce aux puits de pétrole (29e producteur au monde). 


Dunne note que les événements en Egypte ont précipité la situation et les réformes politiques ont pris le dessus. Une bonne chose évidemment, mais qui n'est pas dénué de risques. En effet, le risque est de repousser les réformes économiques et de promouvoir un populisme économique. Deux raisons amènent l'experte à redouter cette situation :
* Vouloir plaire à une population demandeuse : dans le but de s'attirer les faveurs du peuple, les dirigeants en place devraient débourser de larges sommes et accentuer le déficit public. On l'a déjà vu avec l'annonce d'une augmentation de 15% des salaires des fonctionnaires - la fonction publique reste gargantuesque en Egypte. Les nouveaux dirigeants ont également entamé une purge des capitalistes, tels qu'Ahmed Ezz. Il est essentiel de juger les dirigeants corrompus pour améliorer la transparence et redonner confiance dans la conduite des affaires économiques du pays, mais cela ne doit pas empêcher de mener à biens les réformes économiques.
* Le conservatisme des militaires : il demeure délicat de jauger la part effective des militaires et officiers en retraite dans l'économie égyptienne. Certains clament un rôle très important - le plus grand nombre - et d'autres, comme Jonathan Wright, sont plus prudents. Il n'en reste pas moins vrai que les militaires sont réticents à l'économie de marché et devraient vraisemblablement favoriser une économie très centralisée qui n'affecterait pas leurs intérêts.

Néanmoins, le nouveau ministre des Finances, Samir Radwan, a indiqué que l'Egypte n'avait aucune intention de freiner les réformes économiques. Son ministère travaille actuellement sur un plan économique, dont le montant reste inconnu, et pour lequel il espère pouvoir compter sur une contribution publique et privée - un plan uniquement sur fonds publics est intenable. Le secteur privé a certes progressé en Egypte, mais la crise l'a fortement fragilisé. Les investissements étrangers devraient très certainement régresser du fait de l'instabilité politique et cela ne devrait pas s'améliorer dans les prochains mois. Les premiers indices de son plan de reprise apparaissent pertinents dans la situation actuelle, mais il reste à savoir s'il pourra effectivement le mettre en place, s'il arrivera à réunir les fonds nécessaires, et s'il pourra trouver un équilibre entre les besoins de l'économie et l'attente de la population.

Le ministre fait appel aux Etats-Unis et à l'Europe pour aider le pays. Les Etats-Unis ont promis un modeste paquet de 150 millions de dollars pour aider l'Egypte dans sa transition. Radwan a exhorté l'UE notamment d'annuler la dette égyptienne d'environ 9 milliards de dollars. Par ailleurs, il a demandé à l'Europe de lui octroyer des prêts sans conditions. Il est difficile d'anticiper un accord sur une telle demande tant la Banque Europe d'Investissement a été critiquée justement pour ne pas suffisamment surveiller la manière dont ses prêts étaient utilisés. Cette dernière devrait toutefois prochainement soumettre aux Etats-membres un plan de prêts sur deux ans à hauteur de 6 milliards d'euros à destination des pays de la rive sud de la Méditerranée.  

La transition au niveau politique sera inévitablement complexe, mais la transition économique ne le sera pas moins. Mettre en place les bonnes initiatives dès aujourd'hui est crucial pour éviter un surendettement étatique et un retour à une économie centralisée.

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