Depuis l'attentat raté du 25 décembre, le Yémen attire une attention médiatique sans précédent. Je reviendrai dans un prochain post sur les dangers de cette surmédiatisation soudaine. Pour le moment, je vais me concentrer sur une tribune de Micah Zenko du Council on Foreign Relations dans The Guardian. D'une manière très convaincante, il explique pourquoi les Etats-Unis ne devraient pas se précipiter pour bombarder des cibles d'Al Qa'ida au Yémen. En effet, l'administration Obama considère des représailles militaires. Zenko ne semble pas s'opposer à de telles actions, mais il juge nécessaire de bien jauger les tenants et les aboutissants de frappes aériennes. Selon lui, les risques d'une action contre-productive sont plus grands lorsque les décisions sont prises dans l'urgence. Pour appuyer son propos, il prend trois exemples :
* les représailles contre la Libye en 1986 suite à l'attentat dans une boîte de nuit à Berlin qui a tué deux militaires américains : elles ont eu un effet minime, ont même renforcé le soutien libyen au terrorisme et preuve à l'appui n'ont pas empêché l'attentat de Lockerbie en 1988.
* les représailles contre l'Iraq après la tentative d'assassinat contre George H. W. Bush en 1993 : elles ont été un succès, mais il est très difficile de mesurer leur rôle.
* les représailles contre Al Qa'ida au Soudan en 1998 après les attentats-suicides contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya : les frappes aériennes ont ciblé ce qui s'est révélé être une usine pharmaceutique où Al Qa'ida était suspecté de produire du gaz innervant.
A contrario, suite à l'attentat contre le destroyer USS Cole en 2000 dans le port d'Aden, les autorités américaines et yéménites ont coopéré pendant deux ans pour construire un dossier solide qui a amené à des représailles en novembre 2002 et à la mort de Qaed Salim Sinan al-Harethi, qui était responsable de l'attentat.
Dans un article publié pour la revue universitaire Studies in Conflict & Terrorism en 1987, Jerrold Post allait plus loin dans son analyse. Selon lui, les représailles militaires contre un groupe ou une organisation terroriste ont beaucoup plus de chances d'être contre-productives lorsqu'elles ne sont pas bien préparées. En effet, il explique que de telles actions ont souvent tendance à renforcer l'unité du groupe, à réduire les dissensions internes, à exagérer l'importance du groupe et à valider leurs visions du monde, donc à pérenniser leur engagement. Pour Post, une fois membre d'un groupe ou d'une organisation, l'individu oublie sa personne et considère sa sécurité et celle du groupe comme intrinsèquement liées. Dès lors que la sécurité du groupe est mise en danger, c'est celle de chacun des membres qui est menacée. S'attaquer à un des membres ou au chef du groupe ou de l'organisation peut être une possibilité, mais elle risque de provoquer l'effet contraire à celui espéré. Il faut bien connaître la structure du groupe pour anticiper les éventuelles retombées des représailles.
Toutefois, si cela n'est qu'un élément d'une stratégie plus globale de contre-terrorisme fondée sur une politique de long terme consistant à délégitimer le poids du combat mené par le groupe et à oblitérer l'intérêt d'un individu à rejoindre une telle structure, des représailles peuvent se justifier. Cela signifie de passer d'une politique réactive à une politique pro-active à multiples facettes.
Ces considérations ne sont toutefois pas les seules questions qu'il faut se poser. La légitimité de frappes aériennes est-elle justifiée ? Qui mèneraient ces attaques ? Cela ne risquerait-il pas d'enflammer la situation avec les sécessionnistes au sud et avec les Houthi ?
samedi 2 janvier 2010
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2 commentaires:
Je signale un lapsus, le USS Cole est un destroyer, non un sous-marin.
effectivement! Je rectifie cela de suite...
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