dimanche 10 janvier 2010

Pour mieux comprendre les difficultés de lutter contre le jihadisme aujourd'hui

Je viens de lire deux articles absolument passionnants sur Al Qa'ida et le jihadisme. Le premier est signé Bruce Hoffman, un des plus grands experts du terrorisme actuel. Sa tribune dans le Washington Post détaille la nouvelle stratégie d'AQ en 5 points :

  • AQ cherche à inonder d'informations et à distraire les services de renseignements pour qu'ils leur soient le plus difficile possible de lier les différents morceaux du puzzle et ainsi qu'AQ puisse jouer de la confusion pour perpétrer ses attaques.
  • AQ a accru sa rhétorique sur la guerre économique : le groupe prône la banqueroute de l'Occident et revendique l'explosion financière de ces derniers mois. Ce n'est que pure propagande, mais cela suffit pour convaincre son auditoire.
  • AQ continue de s'attaquer à ce qu'Hoffman appelle "l'alliance globale contre le terrorisme". Cela peut prendre la forme d'attentats sur le sol national, comme à Madrid et à Londres, ou d'attaques ciblées contre les troupes et les convois en Afghanistan, surtout quand l'opinion publique est critique à l'égard la participation du pays à la guerre.
  • AQ continue à cibler, à déstabiliser et à exploiter les pays faillis et les zones de non-droit.
  • AQ cherche de plus en plus des recrues tant des pays non-musulmans pour les déployer plus facilement en Occident en vue d'attentats.
De son côté, Thomas Rid, un des jeunes fleurons du milieu, explique dans The Wilson Quarterly comment l'état des lieux fractionné des mouvements jihadistes mondiaux sert à sa survie. En effet, il montre que "la guerre sainte" se développe sous trois formes différentes :

  • Les insurrections islamistes locales contre les régimes apostats ou "à la botte" des Occidentaux.
  • Le terrorisme couplé avec le crime organisé que l'on voit en Afghanistan, en Indonésie, mais également en Europe, qui mélange le jihad avec le narco-trafic par exemple.
  • La jeunesse musulmane désaffectée de la deuxième ou troisième génération appartenant à la diaspora.

Les deux premiers types sont souvent guidés par des intérêts particuliers, alors que le dernier type est remarquable par la quête d'identité de ses membres. Rid note que malgré l'attraction que le label globalisant Al Qa'ida peut représenter auprès de certaines insurrections locales, comme pour Al Qa'ida au Maghreb Islamique ou Lashkar-i-Taiba au Pakistan, il y a souvent une forte dichotomie entre le jihad global et local qui peut parfois générer de véritables oppositions autant de la part des uns - on pense à Ayman Al Zawahiri condamnant le nationalisme - que des autres - l'exemple du Hamas décapitant les mouvements inspirés de l'idéologie d'AQ à Gaza nous vient à l'esprit.

De ce parcours au cœur des motivations des différents mouvements jihadistes conduit Thomas Rid à tirer un constat qui donne à réfléchir sur les stratégies de contre-terrorisme : l'aspect éclaté du jihad actuel obvie la présence d'un centre de gravité unique, ce qui par conséquent, et c'est bien là que se trouve le cœur du problème, exclut l'existence d'un point de vulnérabilité critique unique.

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