dimanche 15 novembre 2009

Jeux de pouvoir au sein des Frères Musulmans égyptiens

Hossam Tamam a sorti un excellent article dans Al Ahram Weekly sur la situation actuelle au sein des Frères musulmans en Egypte. Cet article intervient à un moment particulièrement important, car il semble que les Ikhwan traversent une phase très difficile en ce moment et les commentaires pertinents sont rares tant l'organisation est secrète et opaque.

Tamam analyse les raisons de la crise actuelle et trouve deux accélérateurs principaux : la décision du Guide suprême Mohamed Mahdi Akef de démissionner avant que l'on apprenne qu'en fait il délégait certains de ses pouvoirs à son numéro 2, Mohamed Habib et l'affichage médiatique des dissensions pour une organisation connue pour sa discrétion interne. Les Frères musulmans tiendront des élections internes en janvier et Mahdi Akef a annoncé qu'il ne se présentait pas pour un second mandat.

L'auteur explique que l'origine de ces dissensions se trouve dans la difficulté à conserver un consensus entre toutes les tendances hétérogènes qui constituent les Ikhwan. Toutefois, nous pouvons distinguer deux grandes tendances :
* les réformistes qui s'occupent de l'aspect politique et de l'engagement sur les campus et dans les syndicats, où la présence des Frères est très forte.
* les conservateurs qui sont en charge des opérations de l'organisation ; ils sont en charge du recrutement, des nominations et des programmes d'endoctrinement.

Bien qu'ils s'opposent sur plusieurs points, leurs différences s'étaient trouvées complémentaires ces dernières années, alors que le prosélytisme et les activités des FM accroissaient. Cela a commencé à s'effriter à la suite de la nomination en 2004 de Mahdi Akef et des pressions extérieures. Pour une bureaucratie vieillissante et peu coutumière du changement, ces demandes ont provoqué des réflexions et des conclusions trop hâtives. Si Mahdi Akef a étendu les activités politiques des FM, l'organisation a décidé, contre toute attente, de sortir un programme politique, ce qu'elle avait toujours été réticente à faire hors période électorale, et elle prenait notamment position sur des questions qui étaient loin d'être tranchées entre les réformistes et les conservateurs. Ces derniers ont profité de l'occasion pour se débarrasser de certains éléments réformistes, de les décrédibiliser auprès de leurs bases et d'introduire des changements au programme. Deux modifications notables ont fait beaucoup de bruit : l'interdiction pour les Coptes et les femmes de se présenter aux élections et la subordination de la législature à une supervision religieuse.

Un deuxième événement a précipité la crise en 2008. Lors d'élections internes pour la désignation des membres du bureau de Guide, les conservateurs ont largement triomphé - après avoir effectué quelques modifications dans les règles du jeu. Ils ont réussi à faire entrer cinq Frères très conservateurs au bureau. Le Guide suprême est alors sorti de son rôle de médiateur et a soutenu les réformistes en tentant de faire rentrer un réformiste en vue de rééquilibrer les forces. Il a également cherché à influencer le choix de son successeur, qui semblerait, pour Mahdi Akef, être son second Mohamed Habib. D'où sa décision de lui déléguer certaines prérogatives en amont des élections dans quelques semaines. Ce geste symbolique a soulevé le courroux des conservateurs qui vont jusqu'à nier l'existence de ce passage de pouvoirs.

Hossam Tamam estime que cette crise est renforcée par le manque de dirigeant capable d'unifier les Frères. Le seul qui pourrait le faire, Khayrat el-Shater, est emprisonné jusqu'en 2014. Pour autant, il ne pense pas que les conséquences soient irréversibles pour les Ikhwan égyptiens. Cependant, il envisage des départs discrets et de véhéments désaccords de la part des réformistes. Pour lui, les Frères musulmans sont au bord d'un épisode maccarthyste, d'une chasses aux sorcières contre les réformistes, de la même manière que ce que le parti Wasat a pu connaître en 1996. Ainsi est-il possible que la période réformiste des FM s'éteigne petit à petit avec l'affaiblissement des membres les plus ouverts. Selon lui, les conséquences se feront sentir également en Jordanie et en Iraq. En Jordanie, la branche des FM est au bord d'une séparation en deux entités tant la crise interne est forte. En Iraq, le groupe semble prompt aux crises.

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