lundi 9 mars 2009

Salam Fayyad démissionne dans le plus grand flou

L'AFP titre son article "Fayyad confiant sur un gouvernement de 'consensus' palestinien". En voyant un tel article, on se dit que le Premier ministre palestinien a fait une conférence de presse... eh bien non il a annoncé sa démission au plus tard à la fin mars, date de la fin des négociations entre le Fatah et le Hamas sur la formation d'un nouveau gouvernement.

Une analyse du Christian Science Monitor cite Ali Jarbawi, professeur à l'Université Bir Zeit en Cisjordanie. "Il y a des pourparlers au Caire et Fayyad pense que d'ici à la fin du mois il doit y avoir un nouveau cabinet, donc il démissionne pour ouvrir les portes pour qu'un tel gouvernement puisse prendre leur place", explique-t-il. "Il veut être clair que son cabinet n'est pas un frein pour qu'ils parviennent à un accord. Son message est 'Mettez-vous d'accord. Et si vous allez passer vos réunions à attaquer mon cabinet, alors je vais le retirer de votre vue."

Cette annonce est une vraie surprise et un coup dur pour les Israéliens et le Quartet. Fayyad est un indépendant qui ne fait partie ni du Hamas ni du Fatah. Position complexe, car de fait il n'est pas du tout aimé du Hamas, qui ne lui ont jamais reconnu une quelconque légitimité, et des partisans les plus durs du Fatah. D'ailleurs, plusieurs articles présentent cette démission comme un geste à l'égard du Hamas.

Il est très difficile de démêler le vrai du faux dans cette histoire. De nombreuses rumeurs circulent. La ligne officielle est qu'il a démissionné pour laisser les négociations continuer sans que sa présence puisse déranger quiconque. Une deuxième version avancée par le New York Times est que ce geste sert de "choc dans le système", un système dans lequel les Etats-Unis et Israël avaient l'impression que le soutien de Fayyad était invariablement acquis. Une troisième version relayée par Marc Lynch est de voir cette démission comme un geste stratégique. Fayyad reste dans l'ombre pendant les pourparlers Fatah-Hamas et va profiter de cet instant pour montrer qu'il est indispensable et lorsqu'il faudra former un nouveau gouvernement, il aura renforcé sa position. Une quatrième version dans Haaretz privilégie l'aspect tactique également. En gros, Fayyad aurait démissionné pour forcer le Hamas à assouplir sa position sur le futur ex-Premier ministre et faciliter une réaccession au même poste dans un gouvernement de coalition. Mais, Haaretz pense que sous la pression de l'Egypte, des Etats-Unis et de l'Europe, il n'est pas inenvisageable que cette démarche soit annulée (techniquement, Abbas n'a pas encore accepté la démission).

Fayyad était essentiel pour les Occidentaux. Sans lui, il n'est pas certain que l'Autorité palestinienne ait pu récolter les sommes gigantesques récoltées à la Conférence de Paris ou dernièrement à Sharm el-Sheikh. Fayyad est central dans leurs plans, car il est perçu comme neutre dans les frictions Hamas-Fatah. Un porte-parole de Javier Solana a déclaré au Financial Times qu'ils sont en faveur d'un gouvernement d'unité nationale, mais avec Salam Fayyad à un haut poste. Maintenant, dans l'arène, il n'y a vraiment plus que le Fatah et le Hamas.

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