On le prend presque comme un acteur solidement installé dans la vie politique israélienne, alors même que le parti Kadima n'a pas soufflé ses cinq ans. Créé en novembre 2005 par des représentants du parti Travailliste, mais principalement du Likoud, le parti a remporté les élections parlementaires de 2006 avec Ariel Sharon à sa tête. Le parti centriste a renouvelé sa victoire aux élections de début février, même si le vainqueur officieux semble plus Benjamin Netanyahu que Tzipi Livni. Ainsi, en l'espace de quatre ans Kadima a-t-il réussi à gagner les deux élections à la suite. Pour un parti centriste, c'est tout à fait exceptionnel en Israël, comme le montre une étude de Kevjn Lim publiée dans le dernier numéro de la revue académique Israel Affairs.
Après une revue des théories existantes sur le centre, Kevjn Lim pose comme modèle théorique plusieurs principes :
* En s'appuyant sur les travaux de Maurice Duverger, il estime qu'une doctrine ou idéologie du centre ne peut pas exister.
* Comme le montre Giovanni Sartori, l'existence d'un parti du centre encourage une dynamique centrifugeuse autant que l'absence de parti du centre favorise une dynamique centripète.*
* Suivant les travaux d'Anthony Downs, Lim accepte l'idée que dans un système bi- ou multi- partite, un parti du centre ne peut émerger que si la polarisation idéologique ne suit pas une redistribution des voix en présence. En d'autres termes, un électeur ne votera pas au centre s'il ne pense pas que le centre peut remporter le scrutin, même s'il incline au centre.
* L'existence d'un parti du centre peut conduire à la fois à une plus forte polarisation ou à une dynamique centripète, comme l'argumente Reuben Hazan.
* Si les partis de centre ont tendance à faire surface quand des clivages entre droite et gauche se chevauchent, c'est le positionnement sur le conflit prédominant qui définit le plus le développement du parti et son interaction avec les autres.
* Un système tripolaire ou multipolaire où le centre agit comme médiateur peut être source de stabilité et de consensus, comme l'ont montré les travaux de Timothy Scully notamment.
* Suivant les écrits de Hans Keman, les partis de centre qui agissent également comme des partis-pivots durent plus longtemps et ont plus de chances d'avoir une influence dans les coalitions gouvernementales.
Lim s'applique ensuite à faire un référencement exhaustif des échecs répétés des partis du centre, soit parce qu'il n'y avait pas de place sur l'échiquier politique, soit parce que le parti ne se focalisait que sur quelques dossiers bien précis. Plus inquiétant encore pour les partis du centre, il établit une comparaison entre les tendances centristes au sein de la population israélienne et les résultats majoritairement faibles des partis du centre. Ainsi, en 1992, 18% des électeurs se disaient-ils au centre, ce qui n'a pas empêché un fiasco complet lors du scrutin où les partis du centre sont repartis bredouille. L'exception bien sûr est Kadima en 2006.
L'auteur arrive à la conclusion qu'en Israël, une dynamique centrifugeuse autant que centripète peut forger l'émergence de partis du centre. En effet, la montée en puissance de Kadima intervient dans un contexte où le Likud et les Travaillistes cherchaient des voix au centre.
Lim énonce donc une série de principes spécifiques au centre en Israël en fonction de son analyse historique :
* Le centre a tendance à ne pas exister en tant que parti viable.
* Les idéologies centristes sont trop vagues et donc attirent peu, car elles ne permettent pas une identification claire.
* Le centre se retrouve plus dans une forme d'immobilisme face à une dynamique centrifugeuse, limitant leur champ d'action, qu'il soit médiateur ou non. Cela explique également pourquoi les partis du centre sont des lieux de transfert de voix plutôt que de concentration de voix.
* Les partis de centre ne peuvent rejoindre des coalitions par nécessité, car cela rend caduc leur raison d'être. A moins qu'il y ait une redistribution des voix.
* Même si les partis du centre parviennent à être de bons médiateurs, cela génère leur inutilité, car une fois un consensus trouvé, il n'y a plus besoin de médiateur, à moins que ce parti soit un parti-pivot.
* Les partis de centre manquent souvent de bases de soutien et sont plus une structure de l'élite. Il manque une institutionnalisation du parti, c'est-à-dire une diffusion plus importante au sein de la société et de ses organes pour qu'ils puissent appréhender sans se dissoudre un changement à leur tête.
* Les nouveaux partis du centre fondent leur existence sur une pensée plus pragmatique et moins dogmatique, transition que la sphère politique israélienne - et donc la population - connait progressivement également, ce qui offre au centre plus d'opportunités.
Mais, alors le Kadima dans tout ça? Lim explique que son succès ne s'inscrit que partiellement dans les lignes qu'il a expliquées. Le parti a été créé par un chef en place non tant en réaction à des forces centrifugeuses mais dans un contexte de discrédit grandissant et d'affaiblissement des lignes de séparation entre le Likud et les Travaillistes. Ensuite, Kadima a pallié son manque d'ancrage institutionnel par une série de principes ciblés sur les questions les plus pressantes, notamment le dossier israélo-palestinien et le retrait des Territoires. Enfin, la réussite de Kadima n'aurait pu être envisageable s'il n'y avait pas eu une redistribution idéologique des électeurs. La popularité de Sharon ne suffisait pas. Cela s'est d'ailleurs confirmé, car même sans Sharon, Kadima a réussi à gagner de nouvelles élections.
* dynamique centrifuge : une tendance à se déplacer du centre vers les extrêmes ; dynamique centripète : une tendance à se déplacer des extrêmes vers le centre.
mercredi 25 février 2009
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