Le débat sur le retour de la Russie comme force d'influence au Moyen Orient a repris de l'activité depuis la guerre avec la Géorgie et le soutien massif et ostentatoire apporté par le président syrien Bachar al-Assad à l'action russe. Mai Yamani, chercheuse au Royal Institute for International Affairs à Londres, a publié une tribune dans le Guardian considérant que "l'ancien protecteur des pays arabes de la Guerre froide était de retour".
Elle voit plusieurs tendances pour justifier sa position : la couverture médiatique dans les médias arabes d'une "nouvelle guerre froide", le fait que les pays arabes n'ont jamais cessé d'être approvisionné par les Russes en armes, l'accueil chaleureux des radicaux islamistes à un renforcement du rôle russe pour contrebalancer la présence américaine, "oubliant de convenance la suppression brutale des Tchétchènes musulmans par les Russes dans les années 1990".
Yamani croit voir un inversement de la situation des années 1950, où les Etats-Unis encourageaient l'islam en opposition au communisme. La porte d'entrée au Moyen Orient passerait par l'Iran pour l'auteur. "La Russie voit sa relation avec l'Iran comme un moyen d'utiliser son influence diplomatique sur l'étendue du Moyen Orient, où les Etats-Unis ont cherché (avec succès) à marginaliser le Kremlin depuis la fin de la Guerre froide", écrit-elle.
Deux raisons de douter de la pertinence des intérêts russes à long terme :
* un Iran nucléaire aux portes de Moscou n'a rien de très avantageux.
* encourager la radicalisation chez les Musulmans de la région ne peut qu'encourager la croissante population russe musulmane a en faire autant.
Dans un post très intéressant sur Middle East Strategy At Harvard, Robert Freedman, professeur à la Baltimore Hebrew University, revient sur les relations entre la Russie et plusieurs pays du Moyen Orient depuis la Guerre froide. Walter Laqueur estime pour sa part qu'il n'ait pas certain qu'il y ait un consensus russe sur une volonté de déstabiliser les positions américaines dans la région. Il n'en reste pas moins qu'il y a une forte tendance dans les milieux russes à percevoir les Etats-Unis comme le responsable direct de la chute de l'URSS.
En réponse au post de Laqueur, Mark Waltz argumente l'idée que les intentions expansionnistes ne seraient pas très bien perçues par les pays de la région, notamment deux groupes :
* l'Iran et la Turquie : leur passé de confrontations avec la Russie fait certes partie de l'histoire, mais d'une histoire encore vive, qui pourrait l'être encore plus si le Kremlin affirmait une volonté sinon expansionniste du moins trop agressive dans la région.
* les islamistes radicaux : si Yamani estime que le massacre des Tchétchènes ait été délibérément passé sous silence, il y a matière à débattre. De même, l'invasion soviétique en Afghanistan en 1979 est un épisode que les Musulmans n'ont pas oublié.