Je m'excuse pour l'intermittence de mon blogging. Je suis pris dans la rédaction d'un long papier sur la Politique Européenne de Voisinage, ce qui me laisse peu de temps pour maintenir ce blog. Pour info, je suis relativement actif sur Twitter, donc n'hésitez pas à me rejoindre pour voir ce que je lis et également à me faire partager vos lectures.
Au même titre que les régimes autoritaires de la région, les jeux d'influence étaient fondés sur un statu quo, des positions figées peu à même à évoluer. L'état de fait, de manière caricaturale, était assez simple. Les Etats-Unis étaient la seule puissance étrangère d'importance. Ils déployaient un parapluie de sécurité sur le Golfe que ces Etats étaient prêts à accepter et à entretenir. Washington pouvait compter sur plusieurs pays alliés de poids, l'Egypte, la Jordanie et l'Arabie Saoudite, sans parler évidemment d'Israël.
Israël était le centre d'attention régional. L'Egypte et la Jordanie sont les deux seuls pays arabes de la région à reconnaître l'Etat hébreu et les pays du Golfe ont assoupli leur politique à son égard. De l'autre côté, les opposants à Israël sont très vocaux, notamment la Syrie et l'Iran. L'Iran d'ailleurs, dont l'avènement comme puissance régionale est plus un renouveau qu'une nouveauté. Sans évoquer le "croissant chiite" dont la pertinence est à nuancer, l'Iran pouvait compter sur des alliés solides à Damas et au Liban avec le Hezbollah. Dans le même temps, les relations avec les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) étaient mi-figue mi-raisin, alternant le cordial et l'inimitié.
Dans le Golfe, l'Arabie Saoudite possédait une position privilégiée. Hôtesse des deux sites les plus importants de l'islam, porte-drapeau des intérêts sunnites dans la région, l'Arabie Saoudite jouait sur une politique prudente mais ferme. Le Qatar est récemment devenu l'acteur qui monte, cherchant à être le médiateur de toutes les crises avec un succès mitigé, le seul fut l'accord pour le Liban en 2006. Sur la Libye, le Qatar s'est fortement engagé en faveur des rebelles, reconnaissant le Conseil national de transition comme l'autorité libyenne légitime.
Reste à situer quelques autres pays, dont le positionnement est beaucoup moins important, car la situation interne est trop bouleversée pour qu'ils jouent un rôle sur la scène régionale. Le Liban tout d'abord, le fameux "laboratoire du Moyen Orient". Il est souvent observé pour décortiquer les tendances régionales de par sa diversité confessionnelle et sa difficulté grandissante à maintenir le fragile équilibre politique avec une montée en puissance des Chiites, ainsi que des Sunnites - sur le plus long terme - alors que les Chrétiens perdent du terrain tout en conservant les mêmes privilèges politiques. Pour autant, son rôle régional est mineur. Il attise cependant les intérêts régionaux. La Syrie est historiquement encline à interférer dans les affaires libanaises. Ces dernières années, on a vu l'émergence d'une opposition au niveau régional entre les Saoudiens, qui apportent leur soutien au clan Hariri, et les Syriens et Iraniens, qui apportent leur soutien au Hezbollah.
L'Iraq et le Yémen sont des cas à part. En conflit tous les deux, leur rôle régional est nul. A Baghdad, la diplomatie renaît petit à petit de ses cendres et ce dans les deux sens ; on commence à voir l'émergence de relations entre l'Iraq et les pays de la région. Le Yémen est un casse-tête pour les pays du CCG qui n'ont jamais pris de décision sur la démarche à suivre. La souveraineté nationale est mise à mal depuis de nombreuses années et les deux seuls Etats qui jouent un rôle au Yémen sont les Etats-Unis, qui veulent contrer l'émergence d'AQPA, et l'Arabie Saoudite dont la mésentente avec les Houthi a conduit à des affrontements.
Depuis quelques années également, la Turquie a renforcé son positionnement dans la région en développant la politique du zéro problème avec ses voisins, posture aussi pragmatique qu'idéologique. Traditionnellement crainte par les pays arabes en raison des réminiscences de l'empire ottoman, Ankara s'est habilement redéployé dans la région multipliant les gros coups médiatiques contre Israël mais également signant des accords stratégiques avec les pays de la région, dont l'Arabie Saoudite. On peut éventuellement chercher d'autres puissances, comme la Chine, la Russie et l'Union Européenne, mais leur influence est marginale.
Aujourd'hui, on assiste très probablement à une redéfinition de cet équilibre des pouvoirs. Je n'ai nullement la prétention d'être exhaustif. Cette redéfinition mérite une réflexion plus profonde et plus large, qui ne tient pas dans un post.
L'Egypte est le premier pays à entamer une profonde mutation des positions maintenues par Hosni Moubarak et ses prédécesseurs. Le Caire renoue avec Téhéran, avec la Syrie et avec le Hamas. On parle déjà d'une perte d'influence des Etats-Unis dans le pays et d'une administration plus vertement critique à l'encontre d'Israël, sans pour autant remettre en cause les accords de Camp David. Premiers pas bien évidemment, mais ne les sous-estimons pas.
Le CCG semble connaître une mue avec la tenue de débats sur la politique étrangère et les questions de sécurité et de défense à un niveau jamais connu depuis sa création en 1981. Son intervention au Bahreïn a bouleversé son fonctionnement ; rappelons que les pays du CCG sont foncièrement méfiants les uns des autres. Si ces critiques à l'encontre de l'Iran ne sont pas nouvelles, leur force et l'unité apparente, elles, le sont. Le récent appel du CCG auprès de l'ONU en témoigne, ainsi que la médiation du CCG au Yémen avec l'appel des six au départ d'Abdallah Saleh. Il est toutefois trop tôt pour affirmer que le CCG va désormais jouer un rôle prépondérant dans la région, en tout cas, il s'est affirmé comme "le club des réfractaires au changement".
L'influence américaine dans la région connaît un déclin relatif. Certes, certains indicateurs pourraient suffire pour soutenir cette position. Toutefois, à regarder de plus près, il faut bien voir que la présence américaine est très loin d'être aussi amoindrie. Elle possède toujours des alliés solides, des liens durables et établis sur des décennies, des bases militaires, des soutiens financiers et politiques importants. A défaut d'un déclin, il est à prévoir que les Etats-Unis cherchent à moins faire parler d'eux. Cela va-t-il laisser place à d'autres acteurs étrangers ? C'est envisageable, mais peu probable. La Chine reste dans une logique de stratégie de partenariat pétrolier. Son implication politique est encore incertaine et surtout Pékin ne sait quoi faire, car elle aussi profitait du statu quo dans la région. La Russie a de même peu emprunté le terrain politique dans la région - ce qui était déjà le cas pendant la Guerre froide où Moscou n'avait que peu d'influence dans la région. Elle maintient une attitude défensive, cherchant à consolider ses intérêts économiques et à ne pas attiser d'animosité. L'Union Européenne n'a pas de politique claire sur le Moyen Orient. La Commission européenne prépare une communication, désormais prévue pour le 10 mai, qui dévoilera les contours d'une nouvelle PEV, mais cela ne concerne que les pays méditerranéens. La Haute représentante termine aujourd'hui sa première visite dans le Golfe, qui s'apparente plus à une prise de contact qu'à l'affirmation d'une politique.
Bref, pour le moment, le grand chamboulement n'a pas encore eu lieu. Ces petites considérations ne se sont pas attardées sur les relations économiques ou culturelles, qui sont également importantes. Pour le moment, il est hasardeux de présenter une redéfinition de l'équilibre des pouvoirs. Néanmoins, il est envisageable que les puissances régionales émergentes, telles que l'Iran et la Turquie, consolident leur influence. Pour le reste, le temps nous le dira.
mercredi 20 avril 2011
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