mercredi 24 février 2010

En Iraq, le chaos ou pas tant que ça? (mis à jour)

A l'aube d'élections cruciales, les analyses les plus pessimistes pleuvent. Il faut dire qu'il y a de quoi alimenter le moulin. La commission électorale dirigée par Ahmed Chalabi et Ali al-Lami ne cessent de faire preuve de sectarisme avec leur soi-disant "débaassification", un vieux relent de la politique de Paul Bremer. Ainsi des centaines de candidats sunnites ont-ils été interdits de participer aux élections en raison de leurs liens avec l'ancien régime de Saddam Hussein. On a également appris hier que 376 membres de la police, de l'armée et des services de renseignements ont été ajoutés à la liste pour être "débaassifiés".

Le thème du parti Baass ne cesse de revenir dans la campagne. Plusieurs chaînes chiites ont diffusé une publicité de campagne montrant des atrocités perpétrées par l'ancien dictateur à l'encontre des Chiites avec un message en bas d'écran expliquant que Salih al-Mutlaq, un important homme politique sunnite, a été retiré des listes pour ses liens avec les Baassistes. D'ailleurs, le parti de Mutlaq, le Parti du Dialogue National (PDN), a annoncé qu'il boycotterait les élections en réponse aux commentaires du général Odierno et de l'ambassadeur américain Christopher Hill que l'Iran avait la main mise sur la commission électorale. Ce boycott est symbolique, puisque la date limite de retrait est passée et tous les bulletins ont déjà été envoyés, mais cela indique à quel point la situation est tendue.

Au sein même du camp chiite, les rivalités sont très fortes. Trois tendances sortent du lot :
  • Ahmed Chalabi qu'Odierno et Hill disent à la botte de l'Iran, 
  • le parti d'Ayad Allawi, Iraqiya, qui est une liste de coalitions chiite, sunnite (avec le PDN entre autres) et kurde, et qui serait privilégié par Damas et Téhéran
  • le parti du Premier ministre Nouri al-Maliki qui n'est pas apprécié à Téhéran.
La compétition est féroce entre les trois et tous les coups sont permis. Toutefois, il est important de ne pas diaboliser l'Iran. Pour un Chiite, entretenir de bonnes relations avec l'Iran est central. Il serait totalement absurde pour un homme politique chiite de ne pas avoir de relations avec Téhéran.

Mais, ces dissensions politiques, doublées d'une violence toujours présente, sont-elles suffisantes pour parler d'un retour à une potentielle guerre civile ? A une resectarisation accélérée du pays ? Plusieurs commentateurs seraient enclins à le penser. Thomas Ricks du Center for a New American Security estime même dans une tribune au New York Times aujourd'hui que les élections ne résoudront pas les problèmes et qu'il est temps de songer à conserver une force de 30 000 hommes sur place pour continuer à aider les Iraqiens à assurer la sécurité du pays. L'armée américaine reste visiblement confiante quant à son plan initial de quitter le pays d'ici fin 2011. Selon un mémo du Pentagon, l'Opération Iraqi Freedom devrait changer de nom dans les prochains mois pour devenir l'Opération New Dawn (nouvelle aube) pour signifier que le pays s'apprête à entamer une nouvelle jeunesse.

Nir Rosen veut tempérer ce pessimisme rampant. Fraîchement de retour d'Iraq, il raconte que bien trop d'attention est portée sur l'élite iraqienne et sur Baghdad, alors même que le pays vit une toute autre réalité. Selon lui, les violences ne sont plus incontrôlables, les dissensions entre Chiites et Sunnites loin d'être aussi saillantes que dans la capitale. Bref, la population apprend à faire avec la situation et nous ne sommes pas au bord du précipice.

Je pense qu'il y a un peu des deux. Il est clair que la violence a diminué, mais qu'elle demeure présente. Il est évident que la population iraqienne vit malgré la guerre. Il est certain que l'approche des élections du 7 mars favorise les attaques sectaires en tous genres sans qu'elles ne portent nécessairement à conséquence sur le court et moyen terme - hormis que les Sunnites éjectés ne pourront pas représenter leur communauté. Toutefois, je tends à penser que ce qui se passe à Baghdad est sinon l'entonnoir d'une réalité plus nationale, du moins la primeur de ce qui peut se passer dans tout le pays si la situation n'est pas gérée avec attention et fermeté.

***MISE A JOUR***

Salih al-Mutlaq est revenu aujourd'hui sur sa décision de boycotter les élections. Il a affirmé qu'il y a "une grande pression de la part de la population iraqienne pour que nous y prenions part et nous bénéficions d'un soutien important". Donc, son parti fera bien partie de la coalition d'Allawi.

Juan Cole sur Informed Comment détaille un nouveau sondage sur les élections :

State of Law (Nuri al-Maliki): 30%
Iraqi National Movement (Iyad Allawi): 22%
National Iraqi Alliance (Ammar al-Hakim and Muqtada al-Sadr): 17%
Kurdistan Alliance (Jalal Talibani and Massoud Barzani): 10%
Unity of Iraq (Jawad al-Bulani): 5%
Iraqi Accord Front (Iyad al-Samarraie): 3%
No Opinion: 5%

Plusieurs points le surprennent dans ce sondage :
  • La sous-représentation kurde et sunnite
  • La sur-représentation chiite, et notamment celle du parti d'Allawi.

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