L’attentat avorté du 25 décembre lors d’un vol Amsterdam-Detroit* et la vague d’engagements politiques de la part des pays occidentaux soulève de nombreuses questions. Il est important de se demander si un soutien en matière de contre-terrorisme est une bonne solution pour ce pays.
L’attention soudaine que reçoit le Yémen est pernicieuse. D’un côté, il faut s’en satisfaire, car la résurgence d’Al Qa’ida dans ce pays est évidente et dangereuse. Si le problème n’était pas passé inaperçu aux yeux d’observateurs attentifs, les politiques avaient leurs yeux rivés sur l’Afghanistan et le Pakistan en raison du caractère imminent de la situation. Ce regain d’intérêt pour ce pays très pauvre ne peut qu’être un rappel de la résilience de « la Base », dont on pensait la menace éteinte en 2003 après les attaques ciblées contre son leadership. Force est de constater que les ressources ont été mobilisés sur d’autres théâtres laissant le Yémen en grande partie face à son destin. Un destin d’autant plus compliqué qu’Al Qa’ida dans la Péninsule Arabique (AQPA) est son problème le moins pressant. Sana’a doit aujourd’hui gérer trois situations particulièrement difficiles :
1. Depuis la réunification du pays en 1990, le gouvernement central peine à maintenir son contrôle sur la région sud du pays qui est dominé par un mouvement séparatiste très bien implanté. Le pays a connu une guerre civile en 1994 entre le nord et le sud avec la victoire du nord, mais les séparatistes n'ont jamais vraiment accepté ni la défaite ni l'unification nationale.
2. Depuis 2004, la rébellion Al Houthi est active dans la province de Sa’dah, au nord-ouest du pays. De confession chiite – bien que proches des rites sunnites – ses revendications ne sont que marginalement religieuses et reflètent plus une volonté d’autonomie économique et territoriale. Des affrontements particulièrement violents entre les forces de sécurité gouvernementales et les Al Houthin enveniment la situation depuis le mois d’août.
3. La présence d’Al Qa’ida au Yémen est presque anecdotique pour le gouvernement central. Bien qu’elle soit douloureuse pour l’Occident après les attentats contre le destroyer USS Cole en 2000 et contre le pétrolier français Limbourg en 2002, Sana’a a peu souffert des attaques de la branche yéménite. En effet, le groupe, même après sa fusion avec la branche saoudienne pour former AQPA en janvier 2009, a lancé peu d’attaques contre des intérêts gouvernementaux ne suscitant de fait qu’un risque mesuré pour la capitale qui se satisfait du statu quo.
Il serait problématique qu’AQPA puisse utiliser le Yémen comme son sanctuaire. Jusqu’à présent, le leadership d’Al Qa’ida n’a pas encore migré dans ce pays côtier, mais si des mesures efficaces ne sont pas prises dès aujourd’hui, il y a fort à parier que des mouvements seront à l’ordre du jour à mesure que les dirigeants seront mis sous pression dans les régions frontalières de l’Afghanistan et du Pakistan.
Pour autant, les gouvernementaux occidentaux auraient tort de ne se focaliser que sur la lutte contre Al Qa’ida. Les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont d’ores et déjà fait part de leur volonté d’accroître leur partenariat avec le gouvernement yéménite en matière de lutte anti-terroriste. Cela se traduira par une augmentation de subventions, une collaboration accrue sur le renseignement, mais également par la formation d’unités de contre-terrorisme.
Si les gouvernementaux occidentaux restreignent leurs efforts à ce champ d’action, les effets pourraient être contre-productifs. Tout d’abord, l’implantation d’AQPA dans les tribus locales est très avancée et ses membres s’efforcent de ne pas aliéner les populations locales, voire même de les soutenir dans leurs actions contre le gouvernement central. En outre, des répressions massives pourraient rallier les populations locales à la cause d’AQPA plutôt que de les en éloigner, car il faut bien comprendre qu’ils n’ont pas d’autre alternative viable. De plus, il est tout à fait concevable qu’une grande partie de l’aide apportée au Yémen pour lutter contre cette nébuleuse ne soit détournée pour les affrontements contre la rébellion Al Houthi ou les séparatistes, le Pakistan ayant déjà montré la voie dans cette pratique. Enfin, une politique purement coercitive n’a aucune chance de fonctionner dans un pays hyper fragile politiquement et économiquement. Une vague de contre-terrorisme à court terme doit nécessairement se conjuguer avec des efforts de développement dans le pays, une mission qui pourrait être entreprise par le CCG, particulièrement préoccupé par la situation au Yémen.
* et non Amsterdam-Yémen comme c'était indiqué auparavant.
jeudi 7 janvier 2010
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