mardi 22 décembre 2009

L'autorité étatique a tendance à être contestée au Moyen Orient

Gregory Gause a publié un papier intelligent dans le quotidien émirati The National. Il se penche sur la nouvelle montée en puissance des acteurs non-étatiques au Moyen Orient. En effet, il montre que la légitimité de l'Etat est de plus en plus remise en question dans plusieurs pays de la régione et que cela les déstabilise durablement.

Le phénomène n'est pas nouveau, puisque les Frères musulmans en Égypte ou les Baasistes ont joué un rôle de premier plan depuis des décennies. Cela étant, cela se fondait dans une vague pan-arabiste très forte menée de front par Gamal Nasser. De même, cette tendance a décru au fur et à mesure que les Etats sont devenus forts et se sont appropriés leur territoire. Cela ne s'est souvent pas fait dans les circonstances les plus réjouissantes.

Aujourd'hui, plusieurs pays sont touchés par ces forces extra-gouvernementales qui s'opposent à l'autorité du gouvernement et imposent leurs propres structures et leur propre appartenance identitaire. Quatre pays sont particulièrement touchés par ce phénomène : l'Iraq, le Liban, les Territoires palestiniens et le Yémen. Dans chacun, un ou plusieurs groupes armés non-étatiques empêchent l'autorité centrale de gouverner sur tout le territoire. Gause note que le risque de voir les États aujourd'hui forts s'écrouler sont réduits, car les islamistes ont été domptés, l'influence de l'Iran est réduite et il n'y a pas d'intervention militaire extérieure. C'est en effet ce dernier facteur qui mérite notre intérêt. Des quatre pays cités, tous souffrent (ou ont souffert) d'intervention militaire ou de présence de groupes étrangers, que ce soit les forces de coalition en Iraq, Israël dans les Territoires palestiniens et au Liban, et Al Qa'ida au Yémen. Aujourd'hui, l'Iraq n'arrive toujours pas à rompre avec les oppositions entre Sunnites et Chiites - sans parler des autres minorités -, le Liban essaie tant bien que mal de gérer le Hezbollah qui conserve son pouvoir de violence, puisqu'il n'est pas prêt à déposer les armes, le Hamas continue d'être un élément perturbateur dans la politique intra-palestinienne et le gouvernement central yéménite doit faire face à une multitude de crises intérieures.

Bref, rien de bien beau dans ces pays. Diane Davis dans le dernier numéro de Contemporary Security Policy pourrait être en accord avec cet état de fait. En effet, elle explique que le nombre de "communautés imaginées" (très bon concept de Benedict Anderson) a augmenté ces dernières années. La question qu'elle pose est intéressante : cela est-il du à l'affaiblissement des gouvernements centraux et à la puissance montante de ces acteurs armés non-étatiques (AANE) ou du au fait que les AANE alimentent la faiblesse du gouvernement central ? Une chose est certaine, c'est qu'ils représentent un défi pour le gouvernement, gardien unique de la notion weberienne de " violence légitime". Pour Davis, trois constats sont à tirer :
* la montée en puissance des AANE est une réponse à l'incapacité de l'Etat central à répondre aux préoccupations de certains citoyens, ce qui conduit certaines "communautés imaginées" à se doter de leur propre moyen de coercition. Le Hezbollah peut rentrer dans cette catégorie.
* les AANE ne sont pas nécessairement intéressés par la prise de pouvoir et peuvent être le porte-parole d'une cause économique, comme les Houthi par exemple, ou d'un sentiment d'insécurité grandissant, comme ce fut le cas de manière violente en Iraq entre 2004 et 2006 notamment.
* la création de cette multitude de "communautés imaginées" viennent se cogner avec la "communauté imaginée" nationale. On assiste donc à des affrontements entre différentes forces qui ont toutes développées leur pouvoir de coercition. Pour éviter cela, on arrive à des compromis comme au Liban où le Hezbollah est autorisé par le gouvernement à conserver ses armes.

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