vendredi 4 décembre 2009

Etude sur l'implantation d'Al Qa'ida au Yémen



A croire que quand une crise éclate dans un pays sous-étudié, c'est à ce moment que des recherches et analyses intéressantes sont publiées. Preuve en est avec le nouveau papier du think tank australien Lowy Institute for International Policy intitulé "Al-Qa'ida, Tribes and Instability in Yemen". Les auteurs, Sarah Phillips et Rodger Shanahan, se penchent sur l'implantation d'AQ au Yémen, autrement appelé Al Qa'ida en Péninsule Arabique (AQPA).

AQPA s'est installée au Yémen pour deux principales raisons. Ils ont besoin d'une présence dans la région pour s'attaquer à "l'ennemi proche" suite au durcissement des Saoudiens à l'encontre du groupe. De plus, le pays connait de multiples crises et le gouvernement central n'a pas de contrôle sur le territoire, ce qui laisse à AQPA la possibilité de s'infiltrer. Les auteurs estiment également que cette base au Yémen, si elle venait à se développer, pourrait servir de base arrière aux cadres d'AQ de plus en plus sous pression au Pakistan (voir la vidéo). Il n'est en outre pas inutile de penser que leur présence au Yémen leur ouvre la voie maritime et la possibilité d'attaquer des cargaisons passant par Bab al-Mandab.

Les auteurs développent un raisonnement tout particulièrement intéressant, lorsqu'ils décryptent les interactions entre AQPA et les tribus locales. Selon eux, AQPA fait preuve de prudence pour ne pas aliéner les populations locales, comme ce fut le cas en Iraq par exemple. Plusieurs points sont énoncés :
* ne pas mettre en danger les tribus yéménites : même si leadership d'AQPA est probablement caché dans la région sud de Marib, le groupe n'a mené aucune attaque d'ampleur contre les infrastructures pétrolières qui pourrait engendrer des représailles du gouvernement.
* établir des liens sur le long terme : plus AQPA participe à la vie sociale des communautés locales et plus elle augmente sa propension à se réfugier au sein des populations. Cette technique a également primé au Pakistan.
* insister sur les contentieux locaux plutôt que globaux : lorsqu'AQPA aborde le problème de l'exploitation pétrolière au Yémen, elle préfère critiquer le manque de redistribution aux populations locales plutôt que de critiquer l'Occident pour soutenir des régimes avares et illégitimes, que les extrémistes appellent les régimes takfiri.
* faire appel à l'honneur tribal : AQPA critique les tribus qui se rallient au président yéménite et d'une certaine manière, le groupe se pose en alternative. L'éthique de résistance affirmée par AQPA trouve un certain écho au Yémen, car beaucoup de Yéménites ont combattu en Afghanistan contre les Soviétiques ainsi qu'en 1994 pendant la guerre civile.

Pour autant, l'alliance entre AQPA et les tribus locales est loin d'être scellée, car le groupe terroriste n'offre aux autochtones qu'un statut ancillaire. De même, la ligne idéologique d'AQPA reste très rigide et risque de rentrer en confrontation avec les lignes politiques des autochtones. Une autre tension pourrait également faire surface quant à la nécessité de s'insérer dans le débat local pour légitimer sa présence et les ambitions globales d'AQ.

Les deux auteurs estiment que si les Yéménites n'offrent aucun crédit au gouvernement, ils n'en sont pas arrivés au point de considérer AQPA comme une alternative crédible. Il faudrait donc cibler le leadership d'AQPA - en passant par les forces de sécurité gouvernementales - et s'occuper des problèmes locaux plutôt que de laisser AQPA prendre du terrain sur ce plan. L'Arabie Saoudite, en tant que cible privilégiée du groupe, devrait également prendre plus de responsabilité pour aider le Yémen à éradiquer la menace radicale, mais avec retenu pour empêcher que les Saoudiens ne servent que leurs intérêts au détriment de ceux de leurs voisins.

Pour le moment, la menace qu'AQPA représente à l'échelle internationale demeure assez marginale, mais si le problème n'est pas sapé dès maintenant, il n'est pas impensable de voir ce pays devenir le nouveau refuge d'Al Qa'ida.

2 commentaires:

SD a dit…

Bonjour,
Il semble bien que la zone Somalie - Yémen deviennent un foyer de crise important : + de jihadistes, + de pirates, + de flottes militaires et + d'opérations terrestre. http://pourconvaincre.blogspot.com/2009/10/yemen-et-somalie-une-destabilisation.html
Un futur conflit régional pourrait survenir dans cette zone si la tension devait encore monter.
Cordialement

Nefermaât a dit…

Merci de parler du Yémen plus que ne le font les médias traditionnels....
Etude très intéressante !!

J'en profite par la même occasion pour te donner le lien de mon nouveau blog, plus pro, réunissant tous les articles que j'ai pu écrire jusqu'à présent sur le Moyen Orient, à vocation de se remplir plus rapidement ici, et après mon déménagement au Yémen en septembre...
http://echos-moyenorient.blog.lemonde.fr/

A bientôt, et donne moi de tes nouvelle M. Chouchoune Bacha !! :)

 

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