dimanche 8 novembre 2009

Pour mieux comprendre la Turquie d'aujourd'hui


Ian Lesser du German Marshall Fund a publié une des analyses les plus pertinentes et fines sur la Turquie que j'ai eu l'occasion de lire ces derniers temps. Il se penche sur l'évolution des positions turques autant en politique intérieure qu'en politique étrangère.

Au point de vue interne, Lesser explique que le débat entre islamistes et laïcs n'est plus la question qui domine en Turquie. En effet, selon lui, la politique s'articule désormais en fonction des intérêts économiques gouvernementaux et privés. Cette tension est exacerbée par la confiance actuelle de l'AKP, dont les politiques peuvent être interprétées comme socialistes.

Lesser s'attarde plus longuement sur la politique étrangère. Il est vrai que l'on entend beaucoup parler d'un changement stratégique d'Ankara et notamment vis-à-vis d'Israël. Avec des hauts et des bas, le partenariat stratégique entre les deux pays a toujours été perçu comme crucial. Aujourd'hui, la situation semble très tendue, notamment depuis le conflit à Gaza. Lesser est pessimiste sur un retour à la normale. Pour lui, la question n'est pas de savoir si une relation peut être rétablie, mais plutôt de savoir jusqu'à quel point elle va se détériorer et ce qui peut être sauvegardé.

A plus grande échelle, l'analyste du GMF expose trois orientations pour comprendre la politique étrangère de la Turquie :
* le discours est de plus en plus nationaliste avec des ouvertures à l'égard de pays avec lesquelles les relations étaient compliquées, comme l'Arménie, l'Iraq et la Syrie.
* les positions prises traduisent un attachement à une politique de non-alignés. Concept hérité de la Guerre froide, il semble convenir aux orientations turques qui cherchent à ne pas s'accrocher à Bruxelles et à Washington et donc d'avoir un choix d'opportunités plus vaste.
* au niveau régional, la Turquie est favorable à "un Moyen Orient aux Moyen-Orientaux". Cela correspond à la volonté d'Ankara de jouer le rôle de médiateur et arbitre dans la région, ce qui induit une présence américaine moins forte. Lesser explique que cette réorientation sur le Moyen Orient soulève la question pour la Turquie de savoir si cet engagement au sud ouvrira ou fermera des options pour l'avenir.

Désormais, autant pour les Turcs que pour ses partenaires transatlantiques, il va falloir jongler entre les prises de décision considérées comme "tactiques" et celles considérées comme "stratégiques". Un nouveau jeu qui risque d'être parfois compliqué et qui promet encore de nombreux débats intéressants sur l'avenir de la politique étrangère de la Turquie. Une question surtout que Lesser pose en filigrane sera de savoir comment la Turquie gèrera les premiers tests qu'elle sera amenée à affronter dans le cadre de cette réorientation. Pour l'instant, le "moment turc" n'a pas encore été mis à mal.

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