Justement, tous ces exemples devraient indiquer à l'administration Obama que la paix israélo-syrienne est truffée d'embuches qui sont encore probantes aujourd'hui, selon Stephens. Il remonte à la conférence de Madrid en 1991, où la Syrie participe pour la première à un rassemblement international avec la présence d'Israël. Il détaille largement les positions de Barak sur les raisons de privilégier les négociations avec la Syrie plutôt qu'avec les Palestiniens. Il cite à ce sujet Dennis Ross qui explique dans The Missing Peace que le Premier ministre israélien voyait dans Hafez al-Assad une réelle menace, car il était à la tête d'un vrai pays, avec une vraie armée et des tanks. En même temps, il était à la tête d'un pays, sur lequel il avait la main mise - ce qui n'était pas le cas de Yasser Arafat. De plus, Barak percevait la paix avec la Syrie comme la première étape dans un cadre plus large du processus.
Stephens explique que tous ses espoirs ont déchanté lorsque les négociations n'ont pas abouti, notamment en raison de la souveraineté de la mer de Galilée, grand point de contention entre Israël et la Syrie, peut-être plus grand encore que les plaines du Golan. Stephens reconnait que Barak n'a pas été forcément très magnanime dans les négociations, mais Damas était trop obtus de toute manière. Et de poser la question à savoir pourquoi Bill Clinton, alors qu'il s'est trouvé avec trois dirigeants israéliens (Rabin, Peres et Barak) prêts à rendre le Golan, n'a jamais réussi à voir une pais israélo-syrienne émerger. C'est à cause de Hafez al-Assad, juge Stephens. Trop suspect sur l'accord, a estimé Warren Christopher, l'auteur serait plus en accord avec une version du biographe d'al-Assad, Patrick Seale, qui explique que "la paix" est interprétée différément à Damas et à Tel Aviv. C'est là le coeur du problème.
Et ce n'est pas l'arrivée en 2000 de Bachar al-Assad, fils de son défunt père, qui changea la donne. Plus de liens avec la Corée du Nord, avec l'Iran, avec le Hezbollah, au Liban... rien de bien favorable à la paix selon Brent Stephens. La relations avec l'Iran n'est pas prête de s'arrêter. En plus, les Américains sous Bush se sont montrés ambivalents quant à une position forte et durable.
En guise de conclusion, l'auteur écrit :
La diplomatie s'est révélée être un exercice plein de frustration et de retours à la baisse, établi à un coût considérable pour le capital diplomatique américain et pour le respect de soi israélien. Au moment du dépar d'al-Assad père, il avait réussi à montrer le revers de sa main à un Président américain, un Secrétaire d'Etat et un Premier ministre israélien, entre autres. Il a fait cela tout en se mettant dans la poche la concession de la ligne mythique du 4 juin et l'accoutumance chez les dirigeants israéliens que l'idée d'une "paix" avec lui n'inclurait pas de réelle légitimation de l'Etat juif, pas de garanties assurées de sécurité et pas réalignements stratégiques dramatiques majeurs qui rendraient cette paix frigide méritoire. Et il a fait tout cela en maintenant des relations active et pas si clandestines avec des groupes terroristes, du Hezbollah au Hamas, contre lesquelles il a peu fait pour les ralentir et qu'il a occasionnellement déchaîner dans une démarche routinière de Jekyll et Hyde. Même Yasser Arafat, qui a occasionnellement emprisonné des membres du Hamas, semble presque mieux en comparaison.
En d'autres termes, alors que le processus de paix a élargi les options d'Hafez al Assad, le même processus a réduit celles d'Israël. Cela compte double pour son fils qui est entré dans le processus de paix avec les aboutissements de son père comme fondement sur lequel demander plus de concessions. (...) Aucun "processus" entre la Syrie et Israël sous les auspices américaines ne vaut le coup pour le moment.
Une position sans concession donc. L'auteur ne parle bizarrement jamais de l'aspect stratégique qu'Israël possède avec les plaines du Golan, terre syrienne à l'origine, et préfère se focaliser sur la mer de Galilée, dossier contesté, mais où Israël peut faire son argumentaire. D'ailleurs, quel est l'argumentaire israélien sur le Golan et la mer de Galilée ?
* Sur le Golan, un article de Dore Gold, président du Jerusalem Center for Public Affairs, paru en 2008 l'expliquait très bien. La résolution 242 demande "le retrait des territoires occupés lors du récent conflit", mais pas "de tous les territoires", ce qui, selon Gold, laisserait la porte ouverte à un accord futur et négocié entre les deux parties. Le Golan est stratégique pour Israël, car de ses 1200 mètres, Israël a une vue très claire sur la Syrie et peut donc mieux gérer les menaces qui pourraient venir de son voisin et mieux se défendre (ce fut le cas pendant la guerre de Yom Kippour en 1973).
* Sur la mer de Galilée, les Israéliens font référence aux mandats... En effet, le mandat de la Palestine accordée à la Grande-Bretagne incluait cette zone d'eau. Mer qui reviendrait donc à Israël. La mer de Galilée est capitale pour les provisions en eau de l'Etat hébreu.
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